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critique

Castoriadis, un ogre en son labyrinthe

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Une biographie par François Dosse du philosophe et psychanalyste d’origine grecque
Le philosophe et psychanalyste français, Cornelius Castoriadis, en 1982, à Paris. (Photo AFP)
publié le 3 septembre 2014 à 18h06

Sans doute a-t-on quelque peu oublié (1) de quelle aura a été entourée, pendant la seconde moitié du XXe siècle, la figure de Cornelius Castoriadis, philosophe, psychanalyste et militant politique, disparu il y a dix-sept ans, au lendemain de Noël 1997. Non une auréole, certes. Car si on louait «l'éclat de son intelligence et la force de son raisonnement» (Octavio Paz), si on le qualifiait de «génie» (Pierre Vidal-Naquet), voire de «titan de l'esprit» (Edgar Morin), si les plus grands penseurs, de Claude Lefort à Lyotard, d'Habermas à Axel Honneth, de Richard Rorty à Chomsky, se confrontaient à son œuvre, si ses livres étaient traduits dans le monde entier, on manifestait aussi, à l'égard de sa pensée, labyrinthique, dérangeante et hors de toute orthodoxie, beaucoup de suspicion.

La biographie que lui consacre François Dosse commence justement par souligner ce paradoxe : comment a-t-on pu reconnaître à l'œuvre tant de force et d'«effets de sidération», tout en laissant son auteur aux marges, y compris de l'Université, et ne lui donner que le statut d'outsider, de chercheur inclassable, d'Ulysse forcé d'affronter seul vents et marées ? L'explication peut se trouver dans le travail même de Castoriadis, qui a connu deux grands «moments». Le premier est politique : lutte contre l'extrême droite grecque et le fascisme, dont il eût pu ne pas sortir vivant, critique précoce du stalinisme et de l'URSS comme nouveau régi