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critique

Tirer des lignes en Colombie

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Splendeur et misère d’un influent caricaturiste
Juan Gabriel Vasquez, à Paris, le 20 septembre. (Photo AFP)
publié le 3 septembre 2014 à 18h06

Bientôt, les histoires qui content la vie de journalistes talentueux et puissants, tendance quatrième pouvoir, ne ressembleront même plus à des souvenirs. On les consultera comme des photos de grand-mère, en noir et blanc, en se demandant peut-être : «C'était le bon temps ?» Voici l'un d'eux : Javier Mallarino, héros en apothéose et fin de carrière des Réputations, cinquième roman du Colombien Juan Gabriel Vásquez. Mallarino est caricaturiste. Pendant quarante ans, ses dessins ont fait ou défait à Bogotá les vies politiques : «A l'époque, être abonné à un quotidien équivalait à attendre chaque matin la transformation du monde, tantôt comme une secousse brutale de tout ce qu'on connaissait, tantôt comme une subtile porte d'accès à une réalité déplacée : la cordonnerie que les lutins viennent visiter la nuit.» Depuis, ouverte à tous les vents, livrée au flux prétendument démocratique, la cordonnerie solde avant de fermer. Aucun dessinateur, aucun éditorialiste n'a plus ce pouvoir. Celui de Mallarino est en réalité l'exacte contrepartie du type de pouvoir exercé par la classe politique colombienne, que Vásquez décrit en contre-jour : caciquisme arrogant et rigide, lâcheté sans compassion. «Dans ce pays, dit un personnage à Mallarino, tu ne deviens quelqu'un que lorsque quelqu'un d'autre cherche à te faire du mal.» C'est une forme d'attention.

Eau chaude. Le romancier s'est inspiré de dessinateurs colombiens, espagn