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critique

Aimez-vous Freud ?

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La fresque d’Elisabeth Roudinesco.
Freud et sa fille Anna en 1913. (Photo Wikipedia)
publié le 10 septembre 2014 à 17h06
«A cette époque, Freud portait une barbe soigneusement taillée chaque jour par son coiffeur. Légèrement voûté quand il marchait à vive allure dans ses vêtements un peu larges mais sobres et élégants, il regardait toujours ses visiteurs dans les yeux, comme s’il voulait montrer que rien jamais ne lui échappait. […] Il travaillait de seize à dix-huit heures par jour, se déplaçait en calèche pour rendre visite à ses patients quand cela était nécessaire et il exigeait de sa maisonnée une stricte observance des horaires de repas. […] Il lisait et parlait parfaitement l’anglais, le français, l’italien, l’espagnol, il comprenait le portugais, écrivait l’allemand en lettres gothiques, connaissait le grec, le latin, l’hébreu, le yiddish. […] Ni gourmand ni gourmet, il ne refusait pourtant pas certains plaisirs de table. Il détestait manger de la volaille ou du chou-fleur, n’appréciait pas les raffinements de cuisine française mais avait un goût prononcé pour les petits artichauts italiens, le bœuf bouilli, les rôtis aux oignons. […] Il ne tolérait ni les écarts de langage ni les méchantes tenues vestimentaires et manifestait un certain mépris pour les personnes trop corpulentes. Il n’aimait ni les spectacles ni les dîners en ville…»

Témérité. On pourrait choisir une autre époque de la vie de Sigmund Freud, considérer d'autres aspects de sa personnalité ou de son activité, parler de la gouvernante qui le caressait, des opérations subies à la mâchoire, des relations troublées avec Sandor Ferenczi ou Carl Gustav Jung, de l'argent en toutes devises que lui rapportaient ses consultations et des «comptes qu'il tenait chaque jour dans un agenda spécial (Kassa-Protokoll)», des erreurs et des fautes qu'il commit dans ses cures, de son amour des femmes et sa peur de la sexualité féminine, de l'analyse à laquelle il soumit sa fille Anna, de sa passion pour Rome, du tabagisme (la Conscience de Zeno, d'Italo Svevo), des usages qu'il faisait des mythes grecs ou des tragédies shakespeariennes, on pourrait parler de tout et la même question reviendrait : y a-t-il quelque chose qu'on ne sache pas encore de Freud ? Une chose est sûre : le spécialiste, l'historien, n'est pas ici confronté, comme souvent, à la rareté des documents, mais à un «excès d'archives et, en conséquence, à une pluralité infinie d'interprétations». Si bien que le fondateur de la psychanalyse risque d'apparaître de plus en plus comme un personnage de fiction, un don Quichotte, un roi Lear ou un Hamlet, un Faust, un prince Mychkine, dont la particularité est d'être soumis à toutes les lectures et d'échapper à une «prise» définitive. Plusieurs dizaines de biographies ont été écrites sur F