
Témérité. On pourrait choisir une autre époque de la vie de Sigmund Freud, considérer d'autres aspects de sa personnalité ou de son activité, parler de la gouvernante qui le caressait, des opérations subies à la mâchoire, des relations troublées avec Sandor Ferenczi ou Carl Gustav Jung, de l'argent en toutes devises que lui rapportaient ses consultations et des «comptes qu'il tenait chaque jour dans un agenda spécial (Kassa-Protokoll)», des erreurs et des fautes qu'il commit dans ses cures, de son amour des femmes et sa peur de la sexualité féminine, de l'analyse à laquelle il soumit sa fille Anna, de sa passion pour Rome, du tabagisme (la Conscience de Zeno, d'Italo Svevo), des usages qu'il faisait des mythes grecs ou des tragédies shakespeariennes, on pourrait parler de tout et la même question reviendrait : y a-t-il quelque chose qu'on ne sache pas encore de Freud ? Une chose est sûre : le spécialiste, l'historien, n'est pas ici confronté, comme souvent, à la rareté des documents, mais à un «excès d'archives et, en conséquence, à une pluralité infinie d'interprétations». Si bien que le fondateur de la psychanalyse risque d'apparaître de plus en plus comme un personnage de fiction, un don Quichotte, un roi Lear ou un Hamlet, un Faust, un prince Mychkine, dont la particularité est d'être soumis à toutes les lectures et d'échapper à une «prise» définitive. Plusieurs dizaines de biographies ont été écrites sur F