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Libération
critique

Le secret de l’enfant meurtrier

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Enquêtrice exemplaire, Gitta Sereny remonte aux origines d’un fait divers.
Toute sa vie, Gitta Sereny, née en 1921 et morte en 2012, tentera de comprendre le mal et de trouver comment y échapper. (Photo Franck Martin. Gamma-Rapho)
publié le 10 septembre 2014 à 17h06

Nord de l'Angleterre, décembre 1968. Le procureur Lyons requiert aux assises de Newcastle, le doigt pointé sur Mary Bell : «Une enfant anormale, agressive, vicieuse, cruelle, incapable de remords… Avec une dose de ruse diabolique presque terrifiante.» Tous les yeux sont tournés vers le box, où l'accusée de 11 ans sourit crânement, dans une petite robe jaune. Dans quelques jours, elle sera condamnée à la réclusion à vie pour le meurtre de deux garçons de 3 et 4 ans, Martin et Brian. Gitta Sereny, journaliste, a assisté à chaque minute du procès. Pas un instant elle n'a douté de la culpabilité de la jolie petite fille brune aux yeux bleus. Mary Bell, sans hésitation possible, a tué les deux bambins sauvagement et gratuitement. Le corps d'un des deux a été retrouvé mutilé, un «M» tracé avec une lame de rasoir près du pénis.

Curée. Mais après deux semaines d'audience, ces actes commis avec préméditation, à neuf semaines de distance, demeurent incompréhensibles pour la journaliste. L'opinion publique remontée contre «le monstre de Newcastle», exhibé en une des tabloïds, lui évoque les procès en sorcellerie. Quand les lumières du tribunal s'éteignent, après que le président des assises a lancé «l'enfant Mary Bell peut être emmené», Gitta Sereny est «horrifiée». Le système judiciaire britannique, qui «expose les enfants à l'ahurissante procédure des tribunaux pour adultes et considère le contexte familial