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Libération
Critique

«Moi, assassin», art à la découpe

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Les sombres dessins d’un criminel basque prônant le crime gratuit, par Antonio Altarriba et Keko.
Extrait de la BD «Moi, assassin». (Photo Denoël Graphic)
publié le 17 septembre 2014 à 17h16

Tuer peut être une manière de vivre et de penser quand il devient difficile de faire autre chose. C'est celle que choisit, avec une lucidité laconique, l'universitaire et historien d'art basque Enrique Rodríguez Ramírez : «Tuer pour rien est révolutionnaire», dit-il en se souvenant d'un attentat de l'ETA que le dessin de l'artiste espagnol Keko nous montre. Dessin puissant et sobre, d'une majesté féroce et délicate comme une phrase de Sade, dominé par le noir d'un bout à l'autre du roman, le noir où n'apparaissent que quelques taches de rouge signifiant les flammes, le sang, la pomme de la vilaine reine empoisonnant Blanche-Neige, tous les signes du mal qui est en nous et que nous propageons autour de nous.

Body art. José Antonio Godoy Cazorla, dit Keko, est né en 1963. Il explore de livre en livre les fantômes qui accompagnent vers la folie. Dans la Protectrice (Actes Sud, 2011), inspiré par le Tour d'écrou d'Henry James, l'oncle Douglas finit par dire à sa nièce : «Tu as vu trop de choses et tu as réussi à me faire voir des choses que je ne souhaitais pas voir et, surtout, que j'espérais que personne d'autre ne vît.» Dans Moi, assassin, Enrique nous montre ce que personne ne devrait voir. Tuer pour rien, pense-t-il, «met en évidence les excuses que la politique, la religion, la philosophie ou la psychologie ont échafaudées pour qu'on continue à s'entretuer… pour qu'on ait l'impression que