«Toute ressemblance avec des personnes ou des situations réelles…» Cette formule d'usage appliquée aux œuvres de fiction inspirées de l'actualité va comme un gant au deuxième roman d'Elisabeth Filhol, Bois II. Au point d'en devenir dérangeant d'hyperréalisme du début à la fin, quand le lecteur va se surprendre à mettre des visages connus de lui, sinon le sien même, au fil d'un récit d'une banalité à pleurer. A pleurer et à savourer, tant l'auteur de Bois II a su s'attarder au moindre détail, fugitif ou apparemment sans importance, pour décrire par le menu un conflit salarial comme il en existe tant partout en France et ailleurs, avec le facteur humain et son avenir pour obsession.
Une telle finesse dans l'observation des gestes des hommes et des femmes, des mots par eux employés, des déplacements des corps, comme un ballet improvisé, dans un huis-clos électrique, confirme le talent d'Elisabeth Filhol, déjà remarquée par un premier roman, la Centrale, littéralement bluffant sur le monde invisible des «nettoyeurs-trompe la mort» des centrales nucléaires (1). De Bois II, on ressort également bouleversé, et c'est l'autre grande force de l'auteur, une écriture à l'os, soucieuse et respectueuse du genre humain mis cette fois en position d'avoir à conduire une manière de duel, forcément éprouvant, de part et d'autre, pour ce qu'il impose d'énergie physique et psychologique, de pugnacité et surtout de sang-froid.