«I muri». Ces mots, «elle est morte» en créole, introduisent les Grands de Sylvain Prudhomme. Cette annonce de décès, sobre et violente comme toute sentence, traverse le récit, devient la devise de la soirée pendant laquelle le héros Couto déambule dans Bissau, capitale de la Guinée-Bissau. «Elle», c'est Dulce, ancienne compagne de Couto, et chanteuse au sein du Super Mama Djombo, groupe qui enflamma les scènes au milieu des années 70. Et «les Grands», ce sont ces musiciens dont les morceaux ont accompagné l'indépendance de ce minuscule Etat, en 1974, et vivent aujourd'hui de bribes de leur gloire passée.
Crasse. Pour ceux qui ignorent à peu près tout de l'histoire de la Guinée-Bissau, et nous sommes nombreux à partager cette lacune, le récit de Sylvain Prudhomme peut se lire comme une pure fiction. Mais l'auteur précise : «La plupart des personnages de ce roman existent réellement.» Et, de fait, Super Mama Djombo existe bien, YouTube ou Wikipédia nous en donnent la preuve. Sylvain Prudhomme, né en 1979, a vécu au Sénégal, à quelques kilomètres de la frontière bissau-guinéenne, et a rencontré des membres du groupe. Il décrit leur succès : «Putain les stades avaient été à genoux devant eux. De Maputo à Stockholm on avait dansé sur leurs morceaux, on s'était arraché leurs vinyles, on avait passé leurs tubes en boucle sur les ondes.» Mais sa posture n'est pas celle d'un documentariste. La littérature l'aut