Le premier chapitre de Bois II est un peu déconcertant. Elisabeth Filhol y décrit le fond de la mer ordovicienne, où nagent des trilobites. De quoi s'agit-il ? Un paysage lunaire, «à la surface, rien de vivant. Un grand silence règne sur la Terre». Nous voilà quatre cent soixante-cinq millions d'années en arrière, au moment où se constituent des gisements d'ardoise et de fer qui seront ensuite déformés lors d'un choc géologique à cet endroit du monde, «une région qu'on appelle maintenant les Marches de Bretagne, où l'Armorique est venue s'encastrer dans le bassin parisien», dit Filhol. Le «vrai» début du roman est contemporain, il commence en page 14 avec ces mots : «On est un collectif, soudés […]. Rassemblés au milieu de la cour, on l'attend. Dans moins de deux heures, il franchira le portail au volant de son 4 × 4 Mercedes noir.» Et c'est parti pour un récit qui court comme un souffle, celui d'une entreprise fictive où les salariés, menés par des élus ordinaires, vont conduire une grève pour tenter de sauver leurs emplois en séquestrant leur patron.
Pourquoi ce «faux» commencement ?
Je n’écris pas de façon linéaire, je ne commence pas par la première phrase pour finir par la dernière. J’ai un cadre, puis tout part dans des directions différentes, et ensuite je fais un montage. Ce chapitre, je l’ai écrit plus tard et finalement je l’ai placé au début. Mon idée était de restituer le décalage qui existe entre la vitesse d’exploitation des gisements de fer ou d’ardoise sur u