Menu
Libération
critique

Résilience surveillée

Article réservé aux abonnés
La guerre comme un jeu géométrique, les deux premiers tomes du «Royaume» de Gonçalo M. Tavares.
(Photo DR)
publié le 24 septembre 2014 à 17h06

L’impression de lire

les Carabiniers

de Godard, l’ironie en moins. Paysage sans repères, baraquements plantés au hasard, c’est la guerre. Les vainqueurs violent les femmes, les femmes acclament les vainqueurs, les résistants deviennent collabos. Ou alors le sentiment de lire une œuvre d’art contemporain :

«Le drapeau d’un pays est un hélicoptère : il faut du carburant pour maintenir le drapeau en l’air ; le drapeau n’est pas en tissu mais en métal : il flotte moins au vent, face à la nature.»

Un livre aussi a besoin de force pour tenir en l’air, pour que les phrases tiennent dans la page, un livre aussi est la forme d’un impensable. Le sujet des deux récits qui forment ce recueil est du coup :

«le pays est inachevé comme une sculpture»

, aucune forme n’est jamais finie.

Silence. Regroupés en un seul volume, Un homme : Klaus Klump (2003) et la Machine de Joseph Walser (2004) constituent les deux premiers tomes du cycle «le Royaume», dont les deux derniers, Jérusalem et Apprendre à prier à l'ère de la technique sont parus chez nous en 2008 et 2010. L'écriture est volontiers moderniste, par blocs de silence tombés d'une plume hiératique, la composition postmoderne, labyrinthique. Toute-puissance d'un auteur qui, au début de la Machine de Joseph Walser, indique par exemple que son héros «était collectionneur» mais sans préciser de quoi car «il est encore tôt pour l