On a beaucoup parlé de la promenade en littérature, comment elle aide à penser, à oublier, comment elle troue des travellings dans la réalité. Rousseau, philosophe ambulatoire. On a beaucoup moins étudié le banc, contrepoint obligé de toute marche. C’est le bouton pause de la caméra, mais aussi un lit, une île, un habitat (les clochards à qui l’on a supprimé tous les bancs du métro parisien en savent quelque chose). C’est un trait d’union, à cause des célèbres amoureux des bancs publics de Brassens, mais aussi dans
Bouvard et Pécuchet,
que Flaubert présente ainsi à l’orée du roman, avant de les transformer en chapeaux vides :
«Quand ils furent arrivés au milieu du boulevard, ils s’assirent à la même minute, sur le même banc.»
Michael Jakob, qui a la double casquette de professeur de théorie du paysage et de littérature comparée, n'a pas pour propos cependant d'examiner à la loupe tous les bancs de la littérature ou de la peinture (rien sur «le banc d'Argenson» à l'incipit du Neveu de Rameau de Diderot, par exemple). Mais toutes ses fonctions, oui. A quoi sert un banc ?
Ponton virtuel. Son essai se promène lui-même concentriquement autour d'un banc fameux (coucou revoilà Rousseau), celui que le marquis de Girardin fait installer après 1778 dans son parc d'Ermenonville (Oise), en face de la minuscule île des Peupliers où repose (jusqu'en 1794) le phil