Peut-être la littérature est-elle arrivée au bout du bout. Peut-être les romanciers n'ont-ils plus d'autre choix que de s'approprier des livres écrits par d'autres et d'en réagencer les mots pour faire surgir de nouvelles histoires. C'est exactement ce que vient de faire le Britannique Kabe Wilson : cet artiste multimédia a composé un roman en réutilisant tous les mots - pas un de plus, pas un de moins - d'Une Chambre à soi, l'essai de Virginia Woolf. Les réflexions de la romancière sur les difficultés d'une carrière d'écrivain pour une femme (il lui faut commencer par avoir «une chambre à soi») ont été ainsi transmutées par Wilson en l'aventure d'une jeune féministe partant à l'assaut de la littérature en mettant le feu aux bibliothèques de Cambridge. Titre du roman : Of One Woman or So, anagramme du titre anglais A Room of One's Own.
Le projet borgéso-oulipien de l'artiste a nécessité quatre ans de travail. On imagine que, dans ce genre d'entreprise, la grande difficulté est de trouver un sujet susceptible d'être traité avec les mots du livre source. Une Chambre à soi aurait difficilement pu donner naissance à un thriller sur une catastrophe nucléaire dans la Saskatchewan.
Mais comme rien n'est trop ardu pour le génie français, nous proposons une nouvelle règle du jeu : c'est une anagramme du titre original qui donnera le sujet du livre moléculairement recomposé. Exemple : Albertine disparue, du cher Marcel, deviendra Piètre B