L’universitaire américaine Alice Kaplan, auteur notamment du formidable Intelligence avec l’ennemi : le procès Brasillach (2001) et, plus récemment, de Trois Américaines à Paris (2012) enseigne Patrick Modiano à l’Université de Yale, où elle dirige le département de français. Elle évoque pour nous l’aura particulière de l’écrivain français aux Etats-Unis.
Patrick Modiano jouit-il d’une grande notoriété dans l’université américaine ?
Il y a eu seize thèses consacrées à Modiano aux Etats-Unis depuis 1987, ce qui n'est pas rien, pour un auteur étranger contemporain. Et les presses de Yale vont publier la trilogie parue au Seuil, Remise de peine, Fleurs de ruine et Chien de printemps. Je pense que son attrait tient à son style, très laconique, très beau mais aussi très accessible, en français autant qu'en anglais. Et puis à ce genre particulier qu'il a inventé, qui est inspiré du polar, lequel est très familier pour les lecteurs américains. L'obstacle, c'est évidemment la précision des références parisiennes qui émaillent ses livres, tous ces noms de rues, ces adresses, qui captent si bien les ambiances de ces différents quartiers, qu'il faut sans doute avoir visité Paris au moins une fois pour tout saisir. Mais, en même temps, il est tellement fort pour créer une ambiance… Je pense toujours à Edward Hopper quand je lis Modiano, on y retrouve cette idée que quelque chose d'horrible s'est passé quelque part, et il y flotte un air de crime et d'absence. Modiano pourrait écrire des histoires qui se passent à Brooklyn ou