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critique

Nicolas de Staël : «Je ne suis unique que par ce bond que j’arrive à mettre sur la toile»

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La correspondance de Nicolas de Staël.
Né à Saint-Pétersbourg en 1914, Staël est élevé après 1921 en Belgique, chez les Fricero, des tuteurs qu’il aime et qui s’occupent de quelques héritiers russes blancs, dont les enfants du général Wrangel. (Photo DR)
publié le 15 octobre 2014 à 17h06

Certains hommes font le voyage dans la lune comme si leur lumière en dépendait. L’écrivain Cyrano de Bergerac, Wolff l’ingénieur traître et scrupuleux d’

On a marché sur la lune,

et le peintre Nicolas de Staël qui écrit peu avant son suicide :

«Il y a des gens qui partent délibérément vers la lune parce qu’ils se savent incapables, et cela définitivement incapables, de savoir ce qui se passe chez eux.»

C’est une définition de l’artiste en jeune homme dominé par ses forces, en romantique, main sur la palette et cœur sous la hache. C’est une définition de lui-même.

On est en 1954, il a 40 ans et il lui reste quelques mois à vivre. Il peint comme toujours, comme jamais : de grandes plaques fixant les nus, bouteilles, bateaux, mer, musiciens, mouettes, tout ce bouquet droit qu'on ne sait pas encore final. Il l'a défini à l'orée de sa brève gloire - lettre du 4 juin 1952 : «C'est tout à fait étonnant ce qui se passe ici dans le style moche baigné d'éclat inoubliable, mais que veux-tu le soleil c'est toujours comme cela, il fera des dentelles rares avec n'importe quelle serpillière, il suffit d'un peu de bleu et de beaucoup de blanc.» Staël étend les serpillières, qu'il sèche, redresse et transforme dans sa lumière épaisse. C'est en allant vers la lune avec cœur et pinceaux qu'il la trouve. L'écrivain Georges Limbour, après sa mort : «Mais ce qui a pu l'arrêter, nul ne le saura jamais, car il meurt tout à coup frappé, ou plutôt il se tue, quand il vient