Une femme amoureuse raconte son tourment. Au début de ses
Carnets,
elle a 40 ans, elle passe trois semaines d’août 1953 à Gréoux-les-Bains, tout près de Manosque où habite l’homme de ses rêves. Elle n’est là que pour l’attendre. Parfois, il lui accorde
«de longues siestes de caresses»,
ou des promenades, mais elle ne peut jamais
«entrer à son bras dans le sommeil».
Il arrive qu’il séjourne dans le même hôtel avec une autre. Elle aperçoit alors sa chemise blanche, sa nuque, elle entend sa voix sur la terrasse, il est sans un regard pour elle. Il est marié, il a deux filles, l’entourage est le rempart derrière quoi il s’abrite, et s’abritera toute sa vie. Le matin, il travaille. Il n’est pas visible aux heures des repas, et la nuit, il lui faut dormir dans son lit :
«Il aime la nature dans ses livres»,
note la femme amoureuse. L’homme qu’elle attend est un grand homme. C’est Jean Giono.
Chants. Elle s'appelle Taos Amrouche, elle est la petite sœur de Jean Amrouche, directeur de l'Arche, personnalité de la radio et du monde des lettres. Tous deux ont mené en 1952 des entretiens avec Giono publiés par Gallimard. Elle est française, née en Tunisie de parents kabyles. Pour Giono, elle est Marie-Louise, l'épouse du peintre André Bourdil. En 1947-1948, le couple a séjourné à Manosque. Giono les a logés, nourris, leur a donné de l'argent et s'est décarcassé pour leur trouver du travail, on en a la trace dans