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Libération
critique

Pas d’autres vies que la mienne

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Performance égocentrique d’un ogre norvégien.
publié le 29 octobre 2014 à 18h16

Quand un écrivain raconte sa vie, c’est pour la dépasser. Mais la vie est longue et l’art, d’une brièveté difficile : il y arrive rarement. Le titre du projet performatif du Norvégien Knausgaard, 45 ans, évoque le best-seller d’un autre monstre de sa propre vie, Hitler :

«Mon combat.»

Quel est le sens du combat de Knausgaard ? Vivre et écrire tout en vivant ; malgré l’existence, contre elle et pour la restituer. Les deux livres publiés jusqu’ici entrent donc par le détail dans le tourbillon de sa vie. Ce sont d’interminables trains-couchettes, avec des arrêts en gare, des essieux qui grincent et des soubresauts ordinaires, des moments de grâce et des plages d’ennui : comme dans la vie. Ils embarquent les passagers vers cet orient lointain, sans distinction et introuvable : le temps vécu qu’on voudrait retenir.

Chaque livre est tiré par sa locomotive - ou, plus exactement, lesté par un aimant qui attire à lui la limaille du quotidien, des réflexions et des souvenirs. Dans le premier, c'était la Mort d'un père, celui de l'auteur. Dans Un homme amoureux, c'est l'amour et la vie familiale avec Linda, sa seconde femme et mère de ses enfants. La première fois qu'il la rencontre, elle le voit comme un brave type. Résultat : après s'être torché, une habitude chez lui, il se taillade entièrement le visage. Le lendemain, les gens le regardent bizarrement. Il n'est pas sûr qu'il déteste ça. La première fois qu'ils s'embrassent, il s'évanouit. Dans la vie comme d