Josyane Savigneau, qui est au
Monde des livres
ce que Jack Lang est au ministère de la Culture - ils ne dirigent plus la boîte mais on les y associe toujours -, a une vraie relation avec Philip Roth, comme on en a rarement au cours d’une vie de journaliste littéraire. Elle a interviewé pour la première fois le romancier en 1992, et l’a revu à plusieurs reprises, une fréquentation longue et systématique qui a abouti à un hors-série du
Monde
en 2013, après que Roth a annoncé qu’il cessait d’écrire et, aujourd’hui, à un livre.
Avec Philip Roth
est un bon guide, c’est-à-dire un compagnon de voyage : utile pour les néophytes comme pour les connaisseurs. On apprécie qu’il soit à la fois rigoureux et vagabond, qu’il suive des logiques personnelles plutôt qu’un classement strictement chronologique ou thématique, tout en donnant la sensation du temps qui passe. Et sans omettre les questions centrales, le travail, la littérature, les doubles, le
«jeu de rôles»,
l’enfance, l’Amérique, la politique, la prétendue misogynie, la judéité.
Au fil du parcours, affleurent des éléments de la biographie : la découverte des écrivains d'Europe centrale que Roth publie aux Etats-Unis (vivants et morts, Kundera, Vaculik, Bruno Schulz) ; la décennie anglaise à partir de 1977 ; la manie de tout prévoir, y compris son enterrement. Bien sûr, l'œuvre est mise en avant, et Josyane Savigneau a ses préférés, qu'elle analyse : outre tous les romans qui mettent en scène Zuckerman,