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critique

Christa Wolf sous de nouveaux jours

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Le dernier journal des 27 septembre de l’écrivain allemande.
L'écrivain allemande, Christa Wolf, à Berlin, le 16 juin 2010. (Photo AFP)
publié le 5 novembre 2014 à 17h06

Peu d’écrivains savent, comme Christa Wolf, mettre en mots le tissu intime de leur propre vie pour en faire la matière de notre propre peau. Le 27 septembre 2001, elle flotte dans les images des tours qui tombent et rappelle ce qu’elle a aussitôt senti :

«Ce qui est "réel", si tant est que ce mot signifie encore quelque chose, c’est la déchirure dans le tissu du temps. […] Tandis que mon cerveau encore incrédule cherchait des explications, mon corps avait déjà compris et produisait ce sentiment désagréable et lancinant, qui pour moi toujours signifie qu’il se produit quelque chose d’irrévocable, la plupart du temps horrible, et que je n’oublierai jamais les circonstances dans lesquelles je vis cet instant.»

«Regard». Ce sentiment, elle l'a éprouvé en 1939 au début de la guerre, en janvier 1945 lorsqu'elle doit fuir sa ville natale, en 1968 quand les troupes soviétiques entrent dans Prague : «L'âge venant, j'aurais aimé être épargnée par l'Histoire.» Mais l'Histoire n'épargne personne et surtout pas un écrivain qui, l'âge venant, se voit «historiquement, c'est-à-dire installé dans son époque, lié à elle ; il s'instaure une distance, une objectivité plus grande par rapport à soi-même. Le regard scrutateur et autocritique apprend à comparer, sans devenir pour autant plus clément, mais en se faisant plus juste peut-être. On voit combien l'universel est contenu dans le particulier intime, et l'on croit à la possibilité que