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Libération
critique

Défunt sans les moyens

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Une autopsie de la Chine contemporaine.
«Le Septième Jour», de Yu Hua.
publié le 5 novembre 2014 à 17h16

Ce livre inspiré de la Bible pouvait aussi bien s’intituler «les dix plaies de la Chine». Il n’y est pas question de grenouilles mais bien de sang et de mort, et l’auteur nous entraîne dans l’exode de défunts sans sépulture, condamnés à errer dans l’antichambre du repos éternel.

Des Chinois d'aujourd'hui y rôdent, et tous ont un pan d'histoire contemporaine à raconter. L'un a disparu lors de la destruction illégale de sa maison, l'autre dans l'incendie d'un centre commercial mal construit, la troisième a sauté d'un immeuble, parce que son petit ami lui avait offert un iPhone 4S de contrefaçon : elle qui se prostituait pour s'acheter un jour la marque à la pomme avait annoncé son suicide sur les réseaux sociaux, discutant avec les internautes de la meilleure façon de se supprimer. On croise aussi une troupe de 27 bébés, «déchets» de la politique de l'enfant unique emmenés par une infirmière qui avait voulu dénoncer le scandale.

Après quelque temps passé dans cet entre-deux floconneux, ceux dont les proches n’ont pas les moyens d’organiser les funérailles deviennent des squelettes, reconnaissables aux guenilles qu’ils portaient en mourant et à l’éclat de leur regard, qui ne ternit pas. Les plus anciens semblent les plus heureux. Ils jouent au mah-jong en entrechoquant leurs phalanges, et boivent du vin jaune dans des verres imaginaires.

Pyjamas. Yang Fei se réveille un matin dans cet au-delà, convoqué à la morgue pour se faire inciné