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Libération
Critique

La forme de l’Hexagone

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Banlieue, pauvreté, jeunesse… une traversée impressionniste de la France en crise par Florence Aubenas
publié le 12 novembre 2014 à 17h06

En 2002, Jean-Pierre Raffarin relance une catégorie qui remonte à Balzac et qu'il prétend représenter : la France d'en bas. Tollé à gauche, alerte au poujadisme, ricanements partout. Douze ans plus tard, la crise généralisée, l'expression ne choquerait plus personne : la majorité du pays se vit comme la France d'en bas. Du coup, ceux qui l'explorent ou prétendent l'explorer se sont multipliés. En général, une nostalgie pour ce que Maurras appelait le «pays réel» les anime : le vrai territoire, les «vrais gens», par opposition à l'élite centralisée parisienne. A chaque fois ou presque, on met en scène la traversée des apparences médiatiques pour rejoindre l'invisible réalité du «vécu». Jadis, on appelait ça tout simplement un récit de voyage ou du journalisme.

Le contexte social et le cadre idéologique ont changé le sens et l'expression du tableau. Raymond Depardon filme les paysans de Haute-Loire (Profils paysans, 2001 et 2004), voyage en camping-car pendant huit ans et cela donne, en 2012, Journal de France. En 2011, Eric Dupin, ancien de Libération, publie Voyages en France (Seuil) ; lui aussi va à la rencontre du pays perdu. La même année chez le même éditeur, Jean-Christophe Bailly publie le Dépaysement. L'intellectuel cherche moins les hommes que les «traces», moins la réalité («Le réalisme, plus personne n'y croit») qu'une «forme verbale» répondant «le plus exactement possible à une dictée des c