François Villon, pour quoi faire ? Pour le trouver «terriblement moderne», parmi les clichés d’appréciation à notre disposition, et parce que sa vie de rapines obscures (plus un meurtre) aide à le ranger dans la catégorie des écrivains maudits, forcément maudits. François Villon (né vers 1431, disparu des radars après 1463), qui dit aussi parfois s’appeler Mouton, est l’arbre qui cache la forêt lyrique du XV
e
siècle : Christine de Pizan et Alain Chartier, qui meurent aux alentours de sa naissance ; Charles d’Orléans, son exact contemporain.
François Villon, parce qu'il inspire génération après génération tout un tas d'autres poètes qui le citent ou le pastichent, depuis Jean Marot, le père de Clément, en 1514 («Comme le dit Villon en plaisantant/ Je vendrais aux Lombards ma santé,/ Ma vie, même, s'ils voulaient bien faire paraître l'argent»), jusqu'aux symbolistes du siècle avant-dernier, à commencer par Rimbaud et Verlaine, mais aussi Marcel Schwob, qui fut un grand chercheur ès Villon, tant sur le plan biographique qu'herméneutique, ou encore Jean Richepin en 1876 avec cette Ballade Villon : «Roi des poètes en guenilles,/ Ô gueux, maître François Villon,/ Buveur de vin, coureur de filles,/ Sonneur de joyeux carillon,/ Grand mélancolique en paillon,/ Tes vers sur la tête honnie/ Font flamber le sacré rayon,/ Escroc, truand, marlou, génie !» Comme pour Villon, on a besoin ici d'un peu de lexique : un «paillon» est, dit le Littré, une lame