Dans le monde du romancier canadien Timothy Findley, qui fut acteur et qui est mort en 2002, chacun est seul et observe les autres comme sur une scène pleine de lumières et de trappes. Tous sont saisis dans un halo brutal, précis et isolateur. Ils jouent leur peau en valsant avec leurs caricatures. Ces regards sous apparition - comme on dirait sous pression - déterminent le reste : tout ce petit tas incompréhensible de tours de magie et d’effroi, cet agglomérat informe de silhouettes et de scènes qu’on appelle la vie des autres et qui vous tombe dessus comme les lames d’un lanceur de couteaux. Les nouvelles, comme souvent chez les bons romanciers, font du tir une ellipse. Dans «Lever du jour sur Pise», on est dans la cellule du poète Ezra Pound, emprisonné en Italie à la fin de la guerre à cause de sa sympathie pour les fascistes. Il insulte Dieu - un poète est après tout un prophète :
«Alors quoi ? Tu le refais chaque matin mais t’es pas encore foutu de t’y prendre correctement ? Pour commencer, les insectes. Tout de suite après : les oiseaux, crétin ! Et
ensuite le chien, puis le coq, puis la cloche ! Doux jésus ! […] Tu sais de quoi t’aurais besoin, ici-bas,
p’tite tête
?
D’un nouveau régisseur de plateau !»
Timothy Findley est un excellent régisseur de plateau.
Nuage noir. Ces sept textes sont tirés d'un recueil de 1984 - l'auteur avait 54 ans - dont le titre original est Dinner along the Amazon<