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Libération
Critique

La filature des trois Suisses

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Deux trios masculins dans un village pas si paisible, par Jens Steiner.
Mais qui est vraiment la mère de Renate? (Photo AFP)
publié le 26 novembre 2014 à 17h36

Au village, les chenapans ne sont pas ceux qu'on croit. Deux groupes masculins circulent dans le roman. D'un côté, trois adolescents, Manu, Igor et Fred, travaillés par des grandes embardées de désir, à la veille des vacances d'été. De l'autre trois messieurs d'un certain âge, habitués à se réunir en secret «dans une loge en verre haut perchée» et autorebaptisés avec des noms en «o» : Giorgio, Riccardo et Gustavo. Par goût du monde méditerranéen, ce qui en pleine bourgade suisse allemande a un petit air subversif.

Sherrys. «Nous ne sommes rien d'autre que trois niais qui veulent un peu s'amuser sur leurs vieux jours», dit le porte-parole de «la Troïka». Lequel de grand matin, les jours de réunion, répète la même «plaisanterie» : bidouiller dans la trappe de service du lampadaire en face de chez lui, de sorte que le luminaire reste faiblement allumé jusqu'au soir, signal d'une convocation.

Alors, jusqu'au creux de la nuit, c'est une plongée dans les délices de l'amitié, Giorgio, Riccardo et Gustavo jouent au carambole, ou plutôt au carrom, un jeu «originaire des Indes», boivent des sherrys, parlent d'Epictète et de Gramsci, de la «honte» et de la «réconciliation». Et, pendant ce temps-là, Manu descend dans la cave où sa mère élève des mantes, Igor veille sur la sienne, malade, et Fred pense à la jolie Renate. Tout autour, le village bruisse de tragédies anciennes, de frustratio