Menu
Libération
critique

Paris pas si paria

Article réservé aux abonnés
Maurizio Gribaudi révèle l’apparition d’une modernité qui sera balayée par Haussmann.
publié le 26 novembre 2014 à 17h26

Il est des livres plus ou moins ambitieux. Celui-ci l'est assurément, puisqu'il aspire à renouveler en profondeur notre connaissance du Paris du XIXsiècle et de l'entrée du pays dans la modernité. Récusant le tableau d'une ville gangrenée par la misère, la maladie, le crime et l'insalubrité, tel qu'il fut dressé par les médecins et les observateurs sociaux du temps, Maurizio Gribaudi soutient que Paris fut alors le laboratoire d'une autre modernité, sociale autant que politique, étouffée par les contemporains et occultée par les historiens.

Mansardes. L'analyse est pertinente à maints égards. Elle montre combien cette vision noire est le fruit de stéréotypes au pittoresque suranné et d'un regard de classe. Celui des hygiénistes, l'œil rivé sur l'épidémie de choléra qui ravage la ville en 1832, est déterminant. S'y ajoutent l'anxiété des élites, qui ignorent tout des «formes complexes qui structurent l'espace populaire», mais aussi le goût du romantisme pour l'imaginaire gothique et la poétique des ruines. Bohèmes et dandys investissent au même moment un autre Paris, celui des boulevards et des nouveaux quartiers de l'ouest. De l'autre côté des boulevards, écrit Musset, «ce sont les Grandes Indes». Associées à la crainte de l'insurrection, ces inquiétudes justifient le projet haussmannien de rénovation urbaine, qui détruit après 1852 les quartiers populaires du centre de Paris.

Or ceux-ci, soutient Gribaudi, a