On sait qu'elle court plus vite que le lièvre, la tortue - mais est-ce qu'elle parle ? Non. Elle chante. Pas «spontanément», il est vrai. En fait, il faut la retourner sur le dos, la tuer, la vider, tendre une peau de bœuf sur la carapace concave, ajouter deux montants, un «joug» transversal, et fixer en guise de cordes sept boyaux de brebis. On a alors une lyre, et, du coup, la tortue peut chanter pour de vrai. C'est du moins ce que lui a fait faire Hermès, qui venait juste de naître et qui, émerveillé, avait trouvé l'animal dans une grotte du mont Cyllène. Mais n'est-ce pas à Orphée qu'on doit l'instrument de musique qui sera son «incontournable attribut» ? Les textes divergent. Certains attribuent bien l'invention de la lyre à Orphée ou à Hermès, d'autres à «Apollon nouveau-né», à Kérambos, «le berger insolent du mont Othrys», ou à Amphion, qui participa à la construction de Thèbes. On dira : mais quelle importance ? Eh bien, celle des mythes eux-mêmes et de l'enchaînement de leurs «mythèmes» (l'invention de la lyre conduit aux premiers sacrifices, puis, curieusement, à la pierre, à la pierre tombale, au monument funéraire, aux rites, à la religion…), qui sont à la culture ce que la phrase est au langage, et sans lesquels rien ne «parlerait».
La Tortue et la Lyre invite en effet à visiter l'«atelier du mythe antique», où se trouvent les vestiges tant des matériaux que des outils avec lesquels a été bâtie la superstructure philos