Le New Yorker a publié un poème de lui intitulé 2002, qui date de 2006, et qui débute ainsi : «Je ne pense pas à la mort, mais la mort pense à moi.» Il n'est pas difficile de trouver dans l'œuvre du poète américain Mark Strand, mort samedi à 80 ans, des vers qui semblent annoncer sa disparition, ou, plus exactement, sa condition austère et flegmatique de mort-vivant, saturé par des émotions qu'un perpétuel passage entre une rive et l'autre oblige, tel un clandestin, à dépouiller. La mort discrète est partout ; elle rend la vie sobre, concentrée ; non sans humour, et même avec courtoisie, elle fait voyager et maigrir le destin.
De son premier recueil (non traduit, hélas, comme les autres), Dormant d'un œil ouvert, voici le début d'Accident : «Un train me passe dessus./ Je suis désolé/ Pour le machiniste/ qui s'accroupit/ et me murmure à l'oreille : qu'il est innocent.» Le machiniste raconte sa vie au moribond, rentre chez lui. Finalement, il «sort en courant de la maison,/ porte les restes/ de mon corps dans ses bras/ et me ramène./ Je suis au lit.» Enfin : «J'écoute le vent/ secouer la maison./ Je ne peux dormir./ Je ne peux veiller./ Les volets battent./ La fin de ma vie commence.» Le livre date de 1964. Mark Strand avait 30 ans.
Il est né de parents juifs américains au Canada, dans la province de l’Ile-du-Prince-Edouard, à 600 km du Québec. On y produit des pommes de terre. Enfant, il parle mieux français qu’anglais. Ass