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critique

Le Web 2.0 pointé

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Accès égal à la culture, au savoir, à la démocratie… Les promesses d’Internet démantelées par Astra Taylor, écrivain et réalisatrice canadienne, «digital native».
Un entrepôt Amazon à Peterborough, en Grand-Bretagne. (Photo Phil Noble. Reuters)
publié le 3 décembre 2014 à 17h36

En caractérisant la «condition postmoderne» par «la fin des grands récits», il y a plus de trente ans, Jean-François Lyotard a visé juste. Son idée a suscité des critiques, mais son succès a été tel qu'elle est entrée dans le sens ou le langage commun. Comment nier en effet que les «métarécits» ou les «grandes narrations» totalisantes - aptes à expliquer l'intégralité de l'histoire humaine, à en prédessiner les fins, à tracer pour le Sujet (peuple ou individu) le chemin de l'Emancipation, à préfigurer une Société sans injustices, à assurer le Salut - aient pris du plomb dans l'aile ? On sait cependant que quand on décrète la fin de quelque chose - des idéologies, de l'histoire, de la religion, de la démocratie… -, forcément, on se trompe. Il doit exister des réseaux de distribution de potions magiques grâce auxquelles ces récits se régénèrent : et il n'est pas douteux que le principal de ces réseaux soit aujourd'hui le Réseau, le Web. La preuve la plus éclatante en est que le récit des aventures de la Raison - marche triomphale des Lumières vers le Bien, le Vrai, le Juste, ou au contraire dialectique funeste, justifiant les pires crimes de l'histoire - est exactement similaire à celui que produit Internet, source claire de toutes les connaissances, étang glauque où grenouillent pseudo-savoirs, faux savoirs, mystifications et arnaques, tantôt «formidable vecteur d'égalité d'accès à la culture et de démocratisation des outils de