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Libération
Critique

Livres. Vient de paraître...

Une sélection du service Livres de Libération
publié le 7 janvier 2015 à 17h26

Récit

Oleg Pavlov Journal d'un gardien d'hôpital Traduit du russe par Anne-Marie Tatsis-Botton.

Un hôpital moscovite entre 1994 et 1997. L'auteur est un jeune vigile, il essaie de mettre un peu d'humanité dans ses journées, et de rédiger ses notes avec un regard détaché. Il n'y arrive pas toujours : la réalité sordide est plus forte que lui. Son livre est un carnet d'images d'Epinal - si Epinal était le chef-lieu de l'enfer, peuplé d'éclopés, dont certains portent une blouse blanche. Beaucoup d'alcooliques. Des vieillards. Des gens qu'on retrouvera bientôt à la morgue. «Une vieille femme indigente. Elle avait voulu s'enrichir et avait vendu son appartement pour vingt millions. Où avait-elle l'intention d'aller vivre ensuite, Dieu seul le sait. On ne l'a pas arnaquée, on l'a payée, mais elle s'est retrouvée sans toit. Elle est restée trois mois chez nous à l'hôpital. Malingre, respirant à peine, marchant avec des béquilles, on l'a remise à la rue.» Cl.D.

Romans

Wilfried N'Sondé Berlinoise

30 décembre 1989. Stan et Pascal débarquent à Berlin pour fêter le nouvel an. Sur la Potsdamer Platz, les deux amis se joignent à la foule qui s'est donné rendez-vous pour réduire le Mur en miettes. Tandis que Pascal envoie des coups de marteau dans le béton, Stan contemple l'effervescence de cette «sorte de carnaval improvisé». C'est à ce moment-là qu'il aperçoit Maya, une métisse aux iris arc-en-ciel, dont il tombe amoureux. Maya belle comme Berlin ressuscitée, farouche comme une ville indomptée, vibrant au diapason du vent de folie et d'espoir qui balaie l'Allemagne à l'aube de sa réunification. A ses côtés, Stan goûte à l'ivresse des squats et aux extases du sexe. Les premiers mois de leur amour s'écoulent comme une parenthèse enchantée. Mais l'idylle est de courte durée. «Maya se désolait. Elle me trouvait désabusé et cynique, un peu superficiel aussi ; peut-être à juste titre, car mes préoccupations tournaient autour de sa personne et de ma musique.» Lui ne voit pas plus loin que le bout de son plaisir. Elle est bouleversée par la vague de crimes racistes qui déchire en décembre 1990 son rêve de communion des peuples. Même Berlin s'enlaidit, défigurée par les galeries marchandes. Wilfried N'Sondé rejoue les joies et les déceptions de la réunification allemande. Ses amants sont comme deux moitiés de pays tentant en vain de faire corps. On lui sait gréde faire entendre une note discordante dans le concert de satisfecit qui entoure les 25 ans de la chute du Mur. E.R.

Miguel Bonnefoy Le Voyage d'Octavio

Voyage de mendiant, puis de prédicateur, et enfin de maître, le périple de Don Octavio à travers son pays, le Venezuela, se termine par un retour incognito au point de départ. Puisque Don Octavio est fort comme un arbre, quelles racines retrouvera-t-il ? Tout commence et se termine avec une statue de saint, dans une église où se font les miracles, les trafics et les représentations. Mais la vraie histoire de Don Octavio est celle d’un illettré qui devait découvrir, en même temps, l’alphabet de l’écriture et celui de l’amour, tout un palimpseste d’empreintes. Miguel Bonnefoy est vénézuélien comme son personnage. Il vit à Paris, a écrit ce premier roman merveilleux en français. Cl.D.

Philosophie

Miguel Abensour La communauté politique des «tous uns» Entretien avec Michel Enaudeau.

Ce long entretien avec le journaliste Michel Enaudeau, permet à Miguel Abensour, philosophe politique à la tête d'une œuvre importante (Marx, La Boétie, Thomas More, Hannah Arendt, Walter Benjamin, Pierre Clastres, Levinas…), de livrer avec beaucoup de clarté l'essentiel de sa pensée, tendue, si on peut dire, entre utopie et démocratie. «Quant à l'utopie et à la démocratie, je me suis bien gardé de les dissocier dans la mesure où chacune d'elles travaille, par des voies qui lui sont propres, à mettre un terme à la domination de l'homme sur l'homme.» Si, du moins, l'utopie, qui produit un véritablement «dérangement» dans la philosophie et la politique, est confrontation avec l'altérité, et non simple «prévision» ou vision d'un futur «comme simple projection à l'ombre du présent». R.M.

Lettres

Collectif Lettres rebelles Choisies et présentées par Patrick Farbiaz.

Parce que «l'Etat est incompétent en matière d'art», Gustave Courbet refuse la Légion d'honneur en 1870. Mais ce n'est pas la raison essentielle. Bien qu'elle lui soit octroyée par un ministre de ses amis, Maurice Richard, il ne saurait accepter «une distinction qui relève essentiellement de l'ordre monarchique». Surtout : «L'honneur n'est ni dans un titre, ni dans un ruban : il est dans les actes, et dans le mobile des actes. Le respect de soi-même et de ses idées en constitue la majeure part. Je m'honore en restant fidèle aux principes de toute ma vie : si je les désertais, je quitterais l'honneur pour en prendre le signe.» Dans ce «guide de la correspondance désobéissante», il y a bien sûr d'autres textes, historiques ou exemplaires, mais la section «Lettres pour refuser les honneurs» est d'actualité. Cl.D.