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Libération
Le portrait

Léo Scheer, tardif décryptage

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Gamin précoce à l’itinéraire romanesque, ce sociologue a imaginé Canal + et M6 avant de se faire éditeur très indépendant.
Léo Scheer, éditeur, sociologue, producteur de télévision et écrivain français. (Photo Frédéric Stucin)
publié le 22 janvier 2015 à 19h46

Cet homme n’a jamais été de son temps. Il est très en avance et très en retard. Il est d’après-demain et d’avant-hier. Léo Scheer fut l’inventeur discret de Canal + et de M6 dans les années 80. Fortune faite, il devint ensuite éditeur borderline dans les années 00. C’est à la fois un anticipateur passé à travers et un rembobineur d’avenir échoué sur le rivage du secret. Jeune, il était déjà recru de responsabilités, puissant poisson pilote parmi les requins édentés et incomparablement précurseur quand tout était à faire. Vieilli, il revendique des initiatives oubliées, réécrit des histoires cousues de fils télégraphiques, fait la publicité de ses faufilages dans les réseautages d’avant.

Il reçoit près de la Madeleine. Son appartement sous les toits tient du cabinet de curiosités. Détaillant un dessin de Pierre Klossowski, il évoque le mythe de Diane à sa toilette. Pour punir le curieux d'avoir surpris sa nudité en reflet, la chasseresse transforme l'homme en cerf. Et Scheer d'ironiser en regard sur un certain féminisme sanctionneur d'aujourd'hui. Il vit là avec Nathalie Rheims, son épouse écrivaine. Lui prétend ne pas savoir écrire, même s'il raconte avec un art consommé. Dans la cour intérieure, gîte la maison d'édition dont il a passé les rênes opérationnelles à Angie David. Celle-ci l'a décrit précisément dans un roman à clés : «Homme talentueux, spécialiste de la stratégie d'entreprise, il se révèle un grand éditeur, libre de ses pensées et de ses projet