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Libération
Critique

Livres. Vient de paraître...

Une sélection du service Livres de Libération
publié le 11 février 2015 à 17h56

Roman

Mirjam Kristensen Un après-midi d'automne

Rakel et Hans Olav, jeune couple de Norvégiens, sont en voyage à New York. Tandis qu’ils visitent le MET, Hans Olav s’attarde devant la Madeleine pénitente de Georges de La Tour, le peintre qui joue avec le clair-obscur. Rakel s’éclipse aux vestiaires, et à son retour, son mari a disparu. Selon la gardienne du musée, il serait parti avec une autre femme. C’est absurde, pourquoi aurait-il fait cela ? Rakel enquête de façon artisanale sur sa disparition et découvre que les gens parfois ne sont pas ceux qu’ils semblent être. De merveilleux personnages confirment cette règle, et Rakel les laisse venir à elle avec l’abandon que créent l’épuisement et le choc : un vieux libraire qui prétend photographier les morts, un homme respectueux mais par lequel elle se sent «envahie», et l’amie d’enfance de sa mère, mariée à un Américain, peut-être pas si gentille ni si sereine qu’elle en a l’air. La romancière, norvégienne, née en 1978, métamorphose les hommes, les femmes et New York avec virtuosité. V. B.-L.

Polar

Dominique Sylvain L'Archange du chaos

Le patron, le commandant Carat, a des absences. Sa nouvelle recrue, la jeune Kehlmann, a un frère. Ainsi ces deux personnages acquièrent-ils de l’épaisseur, c’est-à-dire une humanité qui les fragilise. Et si Carat n’était pas aussi fiable qu’on le croit ? Et si le frère, doux illuminé, était en possession de renseignements qu’il ne devrait pas détenir ? Sans compter le père, dans la famille Kehlmann, très érudit, spécialiste de la torture, naguère haïssable. Voilà des casseroles de plomb. Pendant ce temps, un serial killer vicieux met en scène des meurtres compliqués. Il coupe la langue de ses victimes. Il se conforme à ces jugements divins qu’on appelait les ordalies quand la justice n’existait pas. L’enquête prend son temps, l’auteur promène son monde, tout va bien. Cl.D.

Géographie

David Harvey Villes Rebelles. Du droit à la ville à la rénovation urbaine

«Ce que nous savons, c'est que le moment est venu. Le système n'est pas seulement démasqué et en panne, il est incapable de réagir autrement que par la répression. Voilà pourquoi, nous, le peuple, n'avons pas d'autre solution que de lutter pour le droit collectif de décider comment reconstruire ce système.» Figure de proue de la pensée radicale aujourd'hui, le géographe marxiste David Harvey analyse l'espace urbain, dont l'histoire nous montre combien il est étroitement lié aux luttes révolutionnaires. Contre l'appropriation capitaliste, la spéculation immobilière ou les intérêts des promoteurs, il faut aujourd'hui défendre le «droit à la ville», expression que Harvey reprend à Henri Lefebvre auquel il rend ici hommage, autrement dit «le droit de changer et de réinventer la ville» pour qu'elle soit socialement plus juste et plus écologique. Attentif aux innovations urbaines, Harvey montre comment ce droit à la ville est revendiqué dans divers points du globe : à New York, à Madrid, place Tahrir au Caire, place Syntagma à Athènes…, l'espace public se transforme en «commun politique», «lieu de discussion et de débat ouvert sur les agissements du pouvoir et sur la meilleure manière de s'opposer à lui». C.H.

Psy

Antonino Ferro Eviter les émotions. Vivre les émotions

Il faut un psychisme «en bon état de marche» pour que les émotions puissent être positivement vécues. Aussi l'une des principales activités de l'esprit est-elle de les éviter. Mais cela «coûte». Si la stratégie est celle de l'évitement, «des agrégats de proto-émotions, assez compacts, donneront forme aux phobies», si on tente de les «confiner dans tel ou tel espace psychique», on aura l'hypocondrie, si on essaie de les contrôler, cela donnera les obsessions. Président de la société psychanalytique italienne, Antonino Ferro, en utilisant une ample documentation clinique, et en s'appuyant entre autres sur la pensée de Wilfred R. Bion, analyse la façon dont les émotions non seulement sont vécues, mais dites, inscrites dans la narration. A la fin du livre, chose inédite en cette matière, on trouve des pages d'«exercices», du genre : «Qu'est-ce que la vérité en psy chanalyse ? une vérité historique ? une vérité narrative ? une vérité émotionnelle ? Argumentez vos réponses à l'aide d'exemples.» R.M.

Philosophie

Françoise Dastur Penser ce qui advient

Sollicitée par les questions de Philippe Cabestan, philosophe, Françoise Dastur reconstruit ici son itinéraire intellectuel - de fille d'ouvriers née pendant l'Occupation à Lyon, qui fait ses études dans un lycée technique, lit Bernanos et Dostoïevski, «passe totalement à côté d'Elvis Presley et du rock'n'roll» et sort première à l'agrégation de philosophie. Itinéraire marqué de façon décisive par la «rencontre» avec la pensée de Husserl et de Heidegger. La voie de la phénoménologie (puis de l'herméneutique et de la Daseinanalyse, ou «analyse existentielle») qu'elle explore depuis lors, la conduit non seulement à «décrire le donné», mais à voir comment on peut «permettre aux événements de se montrer par eux-mêmes». Elle livre ici ses méditations sur l'être et le langage, le temps et la mort, la psychiatrie et la psychanalyse, l'animal et l'homme, et aussi quelques «questions d'actualité» : le néocolonialisme, le féminisme, la technique, l'écologie. R.M.