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Libération
Critique

Livres. Vient de paraître...

Une sélection du service Livres de Libération
publié le 18 février 2015 à 18h26

Romans

Holly Goddard Jones Kentucky Song

Il y a deux ans, on découvrait le recueil de nouvelles de Holly Goddard Jones, Une fille bien. On retrouve la ville de Roma dans son premier roman, bourgade typique, puritaine, peuplée de gens de bonne volonté, riches ou pauvres, à l'exception de quelques jeunes têtes brûlées un rien sadiques. On est en 1993. Les points de vue alternent pour raconter comment une femme (célibataire, il est vrai), finit à l'état de cadavre au fond des bois. L'auteur est née en 1979. Dans le Kentucky, naturellement. Cl.D.

Chantal Pelletier Et elles croyaient en Jean-Luc Godard

Où l'on reparle de Godard, après le récit d'Anne Wiazemsky, Un an après, et avant l'essai du philosophe Georges Didi-Huberman, Passés cités par JLG (Minuit). Anne, l'héroïne, a le même âge que l'auteur, 15 ans en 1964, à Lyon, quand elle découvre A bout de souffle. La voilà sauvée, aucun livre, même ceux de Simone de Beauvoir, «ne l'a jamais rendue aussi euphorique». Quand Anne a une dépression, c'est encore le cinéma de Godard qui va la sauver. «Allonzy, allonzo», la vie lui a donné des amies, des alliées, des partenaires, «vivre c'est jouer». Elles ne seront pas les femmes au foyer ni les esclaves du travail qu'ont été leurs mères, «elles ne seront jamais des dames. Jamais des moitiés». En mai 1968, «le monde de JLG est partout». En 1976, elles montent sur les planches, inventent les Jeanne, comme dans la vraie vie de Chantal Pelletier. Et quand meurent les amours et les amies, «il lui reste Godard». Cl.D.

Philosophie

Nicolas Poirier (sous la direction de) Cornelius Castoriadis et Claude Lefort : l'expérience démocratique

C'est au sein de Socialisme ou Barbarie que Cornelius Castoriadis et Claude Lefort menèrent en chœur - avant de la continuer de façon autonome - leur réflexion sur le sens de la démocratie, entendue «ni comme régime politique, ni même comme réalité sociologique, mais bien plutôt en tant qu'expérience par laquelle les hommes s'emploient à transformer les conditions de leur existence commune». Ni l'un ni l'autre ne quitta jamais la perspective de l'émancipation - processus conflictuel infini qui n'a d'«autre fondement que le désir de liberté» - et de critique de la «domination bureaucratique», tant dans sa forme capitaliste «libérale» que sous l'aspect du «totalitarisme». Les contributions réunies ici s'emploient à déterminer ce qui rapproche ou sépare les théories de l'«agir démocratique» (Lefort) et de l'«auto-institution de la société» (Castoriadis) et, surtout, ce qui les rend encore opératoires aujourd'hui. R.M.

Psy

Jean-Jacques Moscovitz Rêver de réparer l'histoire. Psychanalyse Cinéma Politique

Il y a bien sûr d'innombrables figures de la violence, qui trouvent leur source dans ce que l'homme a de plus profondément enfoui, de plus abscons et «non-reconnaissable» - mais aussi une violence du figurable, du «montrable», qui, elle, est «affichée», exhibée sur une toile ou un écran. On pourrait situer à leur intersection le «nœud» entre psychanalyse et cinéma. «Le cinéma intériorise, "endopsychise" la violence intérieure du moi ; il la localise et participe ainsi à nommer en images des symptômes qui ne sont pas encore discernés par le sujet et qui restent une violence sans nom.» Ainsi le cinéma serait-il «un art affiné de la psychanalyse», qui elle-même est mémoire, histoire et politique ? Psychanalyste et médecin de formation psychiatrique, Jean-Jacques Moscovitz répond de façon très articulée à la question - et à bien d'autres - en prenant surtout appui sur Salò de Pier Paolo Pasolini, Shoah de Claude Lanzmann, The Memory of Justice de Marcel Ophüls, Little Odessa de James Gray, La vie est belle de Roberto Benigni, Gloria de John Cassavetes, le Ruban blanc de Michael Haneke, Valse avec Bachir d'Ari Folman… R.M.

Miguel Benasayag Clinique du mal-être. La «psy» face aux nouvelles souffrances psychiques 

Philosophe et psychanalyste, l'auteur, formé en Argentine puis en France, pose aussi un regard d'ethnologue sur les souffrances de notre époque. Désabusé par la suffisance de Madame Orthodoxe (comprenez une quelconque titulaire de la «bien-pensance psy» qui - en l'occurrence - officie dans un appartement de 350 m2 à côté de l'ambassade d'Argentine…), il est tout aussi lucide sur les impasses et les dangers des thérapies comportementalistes. Sans parler des traitements médicamenteux incapables selon lui d'affronter les véritables changements de nos sociétés. A la lumière de son expérience clinique, en pédopsychiatrie notamment, Benasayag propose l'idée de «thérapie situationnelle» destinée à aider au défi principal de nos contemporains, celui d'être capable d'agir dans la complexité. Loin d'être un manuel aride, ce livre bien écrit, fourmillant d'exemples cliniques originaux et détaillés, s'adresse aux «normaux afin de les libérer de la norme». Les parrains de l'auteur, les psychiatres David Cooper et Franco Basaglia, pionniers des années 70, ne sont pas loin. G.D.P.