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Libération
Critique

Livres. Vient de paraître...

Une sélection du service Livres de Libération
publié le 8 avril 2015 à 20h56

Nouvelles

Ron Rash Incandescences

Avoir un passé, ou ne pas en avoir : ce n'est pas ce qui détermine le bonheur dans les nouvelles du mélancolique Ron Rash, mais c'est important pour la manière de raconter l'histoire. On peut se souvenir des traditions en manifestant du respect pour le soldat japonais qu'on vient de tuer. Ou devenir fou au nom des savoirs d'autrefois, si on est un ingénieur stressé : «Le hibou était toujours dans le chêne. Boyd le savait parce que dans son enfance il avait entendu les anciens expliquer qu'un oiseau de malheur devait forcément se percher dans un grand arbre.» Une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule, Une terre d'ombre paraît en Points. Cl.D.

Roman

Hadrien Laroche Qui va là !

Mais qui est vraiment Adrien ? Un séducteur désinvolte, qui n'exprime pas grand-chose, se tient à distance de tout ? Un Français exilé sur un campus du bout du monde, qui «enseigne comme un adolescent prudent» encore marqué par l'accident de ski qui a tué son père ? Un sosie de l'auteur, qui fut lui aussi en poste à Vancouver (comme conseiller culturel) et porte presque le même prénom, mais ne ménage pour autant son faux héros ? Hadrien Laroche renouvelle le thème du trio amoureux en brouillant les pistes dans ce quatrième roman présenté comme un conte, aussi léger que cruel. Tout est joli, propre, moderne. On se retrouve au Starbucks ou sur le quai du Skytrain, on se croise dans des expos ou des performances dans une fausse insouciance. Sans rien vouloir savoir de la mémoire des lieux, comme du passé qui hante pourtant chacun de ces trois exilés, un homme et surtout deux jeunes femmes vulnérables. «Le sujet ici ce n'est peut-être pas Adrien, son ego, son Moi. Le sujet ce serait plutôt la violence. La violence faite aux femmes», constate la narratrice, jeune artiste sud-coréenne dont on ne connaîtra jamais le nom. Elle-même s'interroge : Adrien a-t-il été amoureux d'elle ? Leur relation a-t-elle seulement existé ? Le titre fait référence à une tirade du Dom Juan de Molière. Qui va là ! Plus personne quand le mur des apparences s'effondre comme un château de cartes.

Philosophie

Denis Kambouchner Descartes n'a pas dit

Si elle est grande, une philosophie ne présente jamais simplement des thèses, des concepts et un appareil argumentatif : «elle propose une idée du vrai». Cela est bien sûr le cas de la philosophie cartésienne, de façon particulière puisque nul plus que Descartes n'a entrepris «aussi résolument de réexaminer les normes même du vrai». Il l'a fait en privilégiant les vertus de la méthode et de la clarté. Sa pensée devrait donc être reçue sans aucune approximation, aucune marge d'erreur interprétative. Or ce n'est pas le cas ! La «réception» de Descartes est pleine d'idées qu'il n'a pas formulées, de dits qu'il n'a pas dits ! Denis Kambouchner a consacré sa vie d'étude à Descartes : il était le mieux placé - dans ce petit livre de «salubrité philosophique» - pour dresser le «tableau des méprises». Il vient également de diriger, avec Frédéric de Buzon et Elodie Cassan, Lectures de Descartes (Ellipses, 516 pp., 35 €). R.M.

Polar

Dominique Manotti Or noir

Mars 1973. Six mois plus tard, dans le sillage de la guerre du Kippour, l'Opep décidera un embargo sur les livraisons de pétrole contre les Etats qui soutiennent Israël (Etats-Unis, Japon, Pays-Bas, Afrique du Sud), avec réduction de la production de 25%. Le prix du baril en sera multiplié par quatre. Voilà le contexte (non dit mais présent à l'esprit de tous) d'Or noir, qui atteste la maîtrise de Dominique Manotti. A partir de Marseille, où elle envoie son commissaire Théo Daquin alors débutant, l'ambitieuse Manotti rayonne : French Connection, règlements de compte, dope, SAC, franc-maçonnerie, Amérique, Afrique du Sud, Malte, minerais, art contemporain, haines, amours… Pour élucider les assassinats de deux associés, l'électron libre Daquin va devoir jongler avec les spécificités du biotope marseillais et la donne internationale, soit deux gros sacs de nœuds. Tout en planquant ses amours homos, possible talon d'Achille. Au total, Or noir est bien viril, suinte le sang, le fric et le sexe. S.Cha.

Revue

La Nouvelle Revue française

Frédéric Beigbeder, «un mois après le carnage de Charlie Hebdo», écrit : «L'indifférence que je prône est un refus de l'héroïsme.» Roberto Calasso, en 2006, médite sur «Foi et raison». Dans «Le ballon à l'usage», Grégory Schneider, journaliste à Libération, propose des images d'un charme foot, entre Gomel (Biélorussie) et le Parc des princes. Au sommaire, il y a aussi Gaëlle Obiégly, Alfred Brendel et Isaac Babel. Après avoir entièrement remis à neuf la Revue des deux mondes, Michel Crépu (auteur Gallimard et membre du comité de lecture) prend la tête de la non moins vénérable Nouvelle Revue française. Il succède au tandem formé par Philippe Forest et Stéphane Audeguy, à qui on doit quelques beaux numéros thématiques. Cl.D.