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Libération
Critique

Livres. Vient de paraître...

Une sélection du service Livres de Libération
publié le 27 mai 2015 à 17h16

Nouvelles

Paris Review Leçons de choses. L'art de la nouvelle

Les éditeurs de la revue ont proposé à 17 écrivains, eux-mêmes champions de la forme courte, de «choisir une nouvelle dans les archives de The Paris Review - leur préférée - et de définir ce qui en fait le succès, en tant qu'œuvre de fiction». Ce qui fait de ce recueil une collection de perles. Lorries Moore présente Ethan Canin, Mona Simpson Norman Rush, David Bezmogis Leonard Michaels, etc. Cl.D.

Jeunesse

Michael Morpurgo Le Mystère de Lucy Lost

Lucy, âgée d'une douzaine d'années, est perdue dans ses pensées. «Elle fredonne sans arrêt comme une abeille», parce qu'elle a perdu la parole. Elle traversait l'Atlantique sur le Lusitania pour rejoindre son père, blessé en Angleterre, lorsque le paquebot fut torpillé par les Allemands, le 7 mai 1915. Avec le choc, elle a tout oublié : ses parents, son prénom, sa nationalité. Elle est retrouvée abandonnée sur un îlot de l'archipel des Scilly, et recueillie par une famille qui ne craint pas les rumeurs. Pourtant elles vont bon train, car Lucy tient dans ses bras une couverture sur laquelle il est écrit : «Wilhelm», le prénom du Kaiser, compromettant en temps de guerre. S'il s'avère qu'elle est allemande, Lucy est perdue, une fois encore. Un ultime rebondissement recompose les identités et les familles émiettées. Dans le nouveau roman de Michael Morpurgo, l'auteur de Cheval de guerre, il ne faut pas trop se fier aux prénoms ni aux surnoms : Lucy Lost évite la perdition grâce à l'héroïque Silly Billy. V.B.-L.

Philosophie

Arthur Danto Ce qu'est l'art 

Avec Nelson Goodman, Arthur Danto, disparu en 2013, est l'«un des principaux représentants de l'esthétique analytique américaine». Mais sa philosophie de l'art puise abondamment dans la tradition «continentale» de la philosophie. Il reprend ici la question de la définition de l'art, souvent estimée impossible ou toujours «en deçà», en proposant une théorie «essentialiste» qui fait du concept d'art un «concept fermé», saisissable selon une logique stricte, et donne donc à l'art une essence, qui ne se révèle cependant qu'au terme d'un long processus historique (un peu comme l'Esprit ne parvient à la connaissance de soi qu'au bout de la longue odyssée décrite par Hegel dans la Phénoménologie de l'esprit). Croisant Platon, Kant, Wittgenstein, Heidegger, Picasso, Duchamp, Warhol, la réflexion s'arrête sur la comparaison peinture/photographie, sur «le corps dans la philosophie et dans l'art», ou la distinction langage de l'art/langage de la réalité (à partir de «cette sorte de pierre de Rosette de la philosophie» que serait la Boîte Brillo de Warhol). R.M.

Pierre Caye Critique de la destruction créatrice

Suffit-il, pour penser et actualiser le «changement de notre système productif» qu'impose la contrainte écologique, d'en «appeler à une énième révolution technologique et industrielle, reposerait-elle sur les énergies renouvelables et les nouvelles techniques d'information et de communication» ? Pierre Caye, directeur de recherche au CNRS, ne le pense vraiment pas. Dans cet ouvrage rigoureux et ambitieux, il se propose de sortir du «non-lieu que l'invention politique, tant pratique que théorique, sembla incapable de combler», et, pour ce faire, aide à «la prise de conscience philosophique des apories du système productif actuel et de son incapacité à assurer la pérennité de la société». Comment, de Platon à Marx, Heidegger, Bergson ou Deleuze, (re)penser les notions mêmes d'action, de production ou d'«improduction», de technique, de sauvegarde, de résistance, pour déjouer les dispositifs et les «métaéconomies» qui «intensifient les processus de destruction créatrice» ? R.M.

Histoire

Guillaume Carnino L'Invention de la science. La nouvelle religion de l'âge industriel

A partir des années 1860 et jusqu'à la Première Guerre mondiale, la science acquiert un nouveau statut et apparaît comme une autorité indiscutable dans l'espace public. C'est la thèse défendue par Guillaume Carnino, qui montre au travers de multiples exemples - de l'institution vers 1880 de Galilée comme martyr de la science, jusqu'aux centaines de statues de savants érigées par la IIIe République - comment la science est investie d'un fort contenu moral et acquiert au même titre que la religion une dimension sacrée. L'affrontement contre la religion, précisément, est un des moments cruciaux de cette évolution avec une revendication d'autonomie radicale du champ scientifique par rapport à toutes les formes de croyances religieuses. Cette autonomie confère un poids politique et intellectuel considérable à la science vers laquelle se tournent sans réserve nombre d'écrivains. «Je crois à la science parce qu'elle est l'outil du siècle, parce qu'elle apporte la seule formule solide de la politique et de la littérature de demain», écrit Emile Zola. Nul étonnement, conclut Guillaume Carnino, si la IIIe République en quête de légitimité s'appuie largement sur les savants et la mythologie scientifique afin de composer un nouveau roman national et prédire un futur radieux à la démocratie. J.-Y.G.