Katherine Pancol a signé l'an dernier la trilogie Muchachas. Cette saison, Muriel Barbery a proposé le premier volet de la Vie des elfes. La différence, entre Virginie Despentes, qui publie Vernon Subutex 2, et ses collègues, c'est qu'on a envie de jouer le jeu et de continuer la saga. On s'attache. Le héros, Vernon Subutex, ancien disquaire, était un SDF mal en point à la fin du premier volume. Il n'a toujours pas de domicile. Cependant, il a trouvé une sinécure dans le parc des Buttes-Chaumont. Il est entouré d'une sorte de secte. Il plane.
1 Avons-nous affaire à un page turner ?
Virginie Despentes, qu'on a connue plus rigoureuse dans la construction d'une intrigue, invente une sorte de feuilleton statique. De quoi s'agit-il ? D'une communauté d'individus qui gravitaient autour du magasin de disques de Vernon Subutex, et se sont dispersés. Sur la trame des amis et que sont-ils devenus, court un fil rouge, l'enregistrement des confessions d'un rocker défunt. Tout le monde veut la cassette. Surtout le producteur Laurent Dopalet, un salopard authentique qui a probablement fait assassiner Vodka Satana, morte d'une overdose. La fille de cette dernière, gamine convertie à un islam radical qui vient d'apprendre que sa mère était une actrice de films X, s'émeut et se venge. Attendons-nous à ce que le producteur, tatoué à son corps défendant, fasse des siennes dans le tome 3. Ce résumé n'est pas un spoiler. Personne ne tourne les pages de Vernon Subutex 2 pour savoir si la cassette va exploser à la tête de quiconque.
2 D’où vient l’autorité de Virginie Despentes ?
Elle procède par portraits. Peut-être n'est-elle pas en mesure de peindre la société dans ce qu'elle a de plus banal - les classes moyennes, ou bien une certaine forme de pouvoir qui n'appartiendrait pas au spectacle. Mais elle circule dans les marges, en haut et en bas, là où ses lecteurs ne vont pas. En bas, c'est la cour des miracles, Charles en tête, poivrot millionnaire qui sauve Subutex de la pneumonie en lui apportant oranges et paracétamol. Ailleurs, vers le haut, ce sont les as du porno de naguère, Pamela Kant et Daniel le trans. La Hyène, héroïne de Vernon Subutex 1, est le bras armé du terrible producteur. Mais elle décide de changer de camp : «Elle est arrivée au bout de son pacte avec le mal.»
3 Comment parle-t-elle trop bien ?
«Les femmes souffrent moins de ne pas avoir réussi.» Ou : «L'araignée de l'hérédité est patiente.» Virginie Despentes est parfaitement capable de s'exprimer comme Germaine de Staël. On ignore si elle est d'accord avec ses personnages, quand ils taclent la bonne conscience de gauche, ou quand ils disent que «les riches ont déclaré la guerre au monde». Mais il y a une chose qu'elle adore en chacun d'entre eux. C'est leur manière de parler. Comme Anna Gavalda, elle jongle avec les mots de la rue et de la mode, elle en connaît l'inventivité. Quand elle marie la psychologie et la virtuosité langagière, c'est vraiment supérieur. La palme à la jeune Céleste : «Heureusement qu'elle est du type Merteuil, une chatte en feu dans un gant de glace.» Avertissement de Céleste à sa copine voilée qui «raconte sa life» sans regarder autour d'elle : «Les pervers, quand ils ne t'en veulent pas parce que tu es en short, c'est qu'ils t'insultent parce qu'on ne voit pas tes cheveux.»