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Libération
«Les pages jeunes»

«Blue Watch», la conquête du courage

Tous les vendredis, «Libération» fait le point sur l'actualité du livre jeunesse. Aujourd'hui, plongée dans le quotidien d'un vaillant adolescent britannique lors du Blitz.
Couverture du roman de John Harvey (Photo DR )
publié le 18 septembre 2015 à 14h13

Parmi les traumatismes réservés par les Britanniques à leur progéniture, outre les châtiments corporels dans les établissements scolaires, il y a eu, pendant la guerre, l'évacuation des enfants habitant dans les grandes villes. Direction la campagne pour des «classes vertes» d'un genre spécial, où ils n'avaient pas choisi d'aller. Ils ne savaient pas quand ils reverraient leurs parents, au mieux ils étaient livrés à eux-mêmes, au pire ils tombaient sur des brutes. Fort d'une première évacuation en 1939, qui s'est bien passée, juste après la déclaration de guerre, le héros de Blue Watch, un jeune Londonien de bientôt 15 ans nommé Jack Riley, a demandé des fermiers comme famille d'accueil. Il est servi. «Debout dès l'aube pour distribuer le fourrage, ramasser les œufs, récolter les patates, nettoyer les stalles. La même chose en rentrant de l'école. Le week-end aussi. Du travail d'esclave, voilà ce que c'était.»

Le quotidien sous les bombardements

Le tout arrosé de coups plus que de bonne soupe. Tant et si bien que Jack, dès la première ligne du roman, cogne le paysan qui s'écroule. Est-il mort? Jack prend la fuite. Une fois rentré à Londres, il va devoir avouer à son père: un, qu'il est hors de question de repartir; deux, qu'il est peut-être l'auteur d'un meurtre. Ce n'est que la première péripétie. Blue Watch raconte la vie quotidienne qui s'organise pendant les bombardements. Le black out provoque des accidents de la circulation innombrables. Les alertes envoient les gens dormir au fond de leur jardin, ou dans le métro, dans des stations aménagées où les conditions sanitaires laissent à désirer. Pourquoi Blue Watch? La «Garde bleue» est le nom de la brigade des pompiers auxiliaires à laquelle appartient le père de Jack, aux premières loges pour les incendies qui ravagent la capitale. Quant à sa mère, elle est partie à la campagne, elle aussi, soi-disant pour un job de dactylo, plus sûrement pour des activités top secret. La maison familiale ayant été soufflée par une bombe, comme tant d'autres, Jack et son père vivent chez une tante âgée, qui n'est pas de taille à juguler l'appétit d'aventures de l'adolescent.

Des pans de rue entiers disparaissent en une nuit

Non content de jouer les agents de liaison à bicyclette, Jack essaie de démanteler un gang de voleurs, en compagnie de sa nouvelle amie, Lilith, qui s’est trouvée une cache dans les décombres. Elle est allemande, juive, et elle est seule au monde. Le roman met en circulation des peurs et des événements graves, mais sans peser, en montrant avec simplicité comment la vie continue. Avoir des grands-parents à l’autre bout de la ville dont on ne sait s’ils sont encore vivants, voir des pans de rue entiers qui disparaissent en une nuit, se demander si les Allemands vont envahir le pays, c’est le lot de Jack. L’auteur, John Harvey, fameux auteur de polars, est né à Londres en 1938. Il était trop jeune au moment du Blitz, il n’a pas beaucoup de souvenirs, mais son père était comme celui de Jack, pompier auxiliaire. Le livre lui est dédié.

Blue Watch, de John Harvey. Traduit de l'anglais par Valérie Le Plouhinec. Syros, 306 pp., 15,90 € (à partir de 11 ans).