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Libération
Éditorial

Goncourt, le prix de l’éternel spectacle

Boualem Sansal, en août, chez lui, à Boumerdes, en Algérie. (Photo Farouk Batiche.AFP)
publié le 27 octobre 2015 à 18h46

Il faut surprendre, sinon on déçoit, on est moins attendu. Si on est moins attendu, lorsqu’on est un grand prix littéraire dans ce paradis des prix qu’est la République française des lettres, alors on n’existe plus. Pour se sentir exister, le jury Goncourt a éliminé Boualem Sansal de sa dernière sélection, rendue publique mardi au musée du Bardo de Tunis, où le jury s’est déplacé en souvenir de l’attentat de mars dernier.

Dans le genre annonce fracassante, il ne pouvait guère y avoir plus original. La plupart des pronostiqueurs, au moins parmi les critiques, auraient volontiers parié sur 2084 (la fin du monde) (Gallimard). Svetlana Alexievitch a bien eu le prix Nobel, comme on s'y attendait. Pourquoi se serait-on trompé en misant sur un goncourable si prévisible - et si profondément respectable ? D'autant que le roman est un vrai succès, le seul best-seller, avec D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (Lattès), à émerger de la rentrée romanesque. L'un des quatre titres retenus en vue du prix, qui sera décerné le 3 novembre, devra flirter avec les trois ou quatre cent mille exemplaires. Cela fait partie de ce qu'on espère du Goncourt, c'est même l'essentiel : le prix joue sa réputation sur la fortune de son lauréat. Nathalie Azoulai ( Titus n'aimait pas Bérénice, P.O.L.), Mathias Enard (Boussole, Actes Sud), Hédi Kaddour (les Prépondérants, Gallimard) et Tobie Nathan (Ce pays qui te ressemble, Stock) : l'un ou l'autre sera sommé de convaincre le public le plus large. Rendez-vous au pied des sapins de Noël.

Meursault, contre enquête (Actes Sud) de l'auteur algérien Kamel Daoud, n'avait pas eu le prix Goncourt en 2014. L'Algérien Boualem Sansal ne l'aura pas en 2015. Comment ne pas faire le rapprochement ? Mais les Goncourt n'ont pas à avoir d'état d'âme. Ni de prétentions à distinguer le meilleur roman de l'année. Ils sont là pour secouer la chaîne du livre, alimenter l'économie du secteur, et pour animer la chronique, sinon la défrayer. Tout le monde a intérêt à ce que le prix Goncourt continue à exister, et se porte le mieux possible.