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Libération
Littérature

Prix Interallié 2015, un hommage impertinent à Roland Barthes

Laurent Binet, à Paris, le 31 août. (Photo Edouard Caupeil)
publié le 12 novembre 2015 à 19h16

Le 1er septembre, la Fnac avait inauguré la saison des récompenses littéraires en remettant son prix à Laurent Binet pour la Septième fonction du langage (Grasset). Ce jeudi, la saison a été close par le prix Interallié, remis au même Laurent Binet. Ce roman au titre trompeur est en fait un très réjouissant polar sémiologique.

On est en 1980. Bayard, un flic de droite qui déteste les intellos, est chargé d'enquêter sur l'accident qui a coûté la vie à Roland Barthes. Il a été renversé par une camionnette alors qu'il sortait d'un déjeuner avec François Mitterrand. Bayard se rend vite compte qu'il ne comprend rien au milieu dans lequel il est censé enquêter, il embarque un jeune spécialiste de sémiologie pour lui servir de guide. C'est le début d'un thriller où on assiste à l'attentat de la gare de Bologne et à la campagne électorale de François Mitterrand. On croise Foucault, Derrida, BHL, Sollers, Kristeva, mais aussi Fabius, Serge Moati ou Monica Vitti. Il y a des méchants japonais et des parapluies bulgares. On se croirait parfois dans Tintin. En même temps, c'est un roman où la sémiologie est à la fois le sujet et un super-pouvoir pour cet improbable couple d'enquêteurs.

Depuis la sortie du livre, il y a un peu plus de deux mois, les réactions ont été très contrastées, c’est le moins qu’on puisse dire. Si la plupart des lecteurs ont trouvé ça très amusant, d’autres n’ont pas aimé du tout. On a beaucoup dit que les intellectuels français de l’époque en prenaient plein la figure. Ce n’est pas tout à fait vrai.

Le roman est drôle, intelligent et un peu provoc. Il dézingue, les politiques aussi en prennent pour leur grade, Mitterrand en particulier. Mais il suffit de lire ce livre pour voir que Laurent Binet ne réserve pas du tout le même traitement à Roland Barthes et Michel Foucault qu’à BHL ou Sollers par exemple. Il a expliqué très clairement que Barthes avait compté plus que n’importe qui dans sa formation intellectuelle, qu’il avait un immense respect pour Foucault et que ce n’était pas parce qu’il le mettait dans des situations scabreuses qu’il lui manquait de respect.

Ce roman est un conte sur le pouvoir du langage et, oui, il se moque de beaucoup de choses, en particulier des vanités et des impostures. Pas vraiment étonnant que ça énerve, pas très grave non plus. Ajoutons que le prix Interallié a été décerné le 12 novembre 2015, jour exact du centenaire de la naissance de Roland Barthes.