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Libération
Critique

Cocktail céleste

Le chemin de la joie, selon Frédéric Lenoir.
publié le 4 décembre 2015 à 17h56

Dans le classement Datalib, la Puissance de la joie est à la deuxième place pour les essais. Pas mal. Frédéric Lenoir a l'habitude : depuis 1988, il a publié une quarantaine de livres à base de spiritualité syncrétique (Jésus, le dalaï-lama, Spinoza). La plupart se vendent à plus de 100 000 exemplaires, certains dépassent les 300 000.

1- Quels mots dans un titre ?

«Je suis heureux de vous accueillir sur mon site. J'espère que vous y trouverez les réponses aux questions concernant ma biographie.[…] Peut-être y trouverez-vous aussi quelques réponses à des questions philosophiques.» Lenoir a un site super bien fait. On y voit des photos de paysages et de lui en bonne compagnie : un bonze à béret (Gyalwa Dokhampa), la louve Alaska, le chat Pompon. Au chapitre «grands entretiens», des liens vers des interviews dans Madame Figaro ou Psychologies magazine. Il y a la liste complète de ses ouvrages, dont quasiment tous les titres contiennent au moins un de ces mots : cœur, âme, oracle, ange, prophétie, secret, bonheur, guérison, Dieu, amour, sagesse.

2- Les animaux aussi ?

Yeux bleus, barbe de quatre jours, cheveux grisonnants et air imperturbablement joyeux, Frédéric Lenoir a un CV exemplaire. Il a fait une thèse sur le bouddhisme et l'Occident. Il «s'investit pour la cause animale» et a signé un manifeste pour que le code civil reconnaisse les animaux comme des «êtres vivants doués de sensibilité». Il croit en Dieu et prie. Il pratique un christianisme mâtiné de bouddhisme. Il a vécu dans un monastère catholique et une léproserie du Bengale. Ex-directeur du Monde des religions (2013), il produit les Racines du ciel sur France Culture. Il a du nez pour sujets porteurs, il a fait des livres avec Hubert Reeves et l'abbé Pierre, sur le pape François, l'écologie et Da Vinci Code. Reconnaissons que d'autres traitent les mêmes sujets avec beaucoup moins de succès.

3- Quand parler de son ressenti ?

Sous des dehors décoiffants (je n'hésite pas à mélanger Bouddha, Jésus, Epictète, Khalil Gibran et Mère Teresa), il a un discours finalement très paix des familles et bon sens près de chez soi. «Certains plaisirs nous font du bien dans l'immédiat, mais du mal à long terme. La jolie fille […] qui nous apportera un plaisir sexuel immédiat peut mettre notre couple en danger.» Il parle de lui juste ce qu'il faut. «Je m'appuierai donc aussi sur mon histoire, mon ressenti.» Ou encore : «On peut être agacé par de tels propos sur le deuil, surtout si on a eu beaucoup de mal à surmonter une rupture ou le décès d'un être cher. Je n'aurais pas osé les écrire si […] je n'en avais moi-même fait l'expérience.» Il évoque ses goûts musicaux : «Les yeux fermés dans le noir, je déguste les Variations Goldberg de Bach, Köln Concert de Keith Jarrett et tant d'autres encore. Je me laisse remplir par la musique.» Et télévisuels : «Je ne suis pas encore allé à la rencontre des peuples premiers en Amazonie […]. Mais je ne manque jamais, sur France 2, la très belle émission de Frédéric Lopez, Rendez-vous en terre inconnue Il donne des conseils : pour atteindre la joie, il faut pratiquer ouverture du cœur et lâcher prise. Ce n'est pas scandaleux, juste un peu creux. Le plus gênant peut-être, c'est qu'il laisse penser qu'on peut avoir accès à des choses compliquées sans faire l'effort de les lire. «J'ai souhaité que ceux qui n'avaient pas pu passer des années, comme moi, le nez plongé dans les textes de Platon ou de la Bible, puissent quand même les découvrir et appréhender leurs messages de sagesse.»