Le matin du 7 novembre 1938, un mois après les accords de Munich, il fait un temps estival à Paris quand Herschel Grynszpan, Juif polonais de 17 ans, entre dans la cour de l’ambassade d’Allemagne, rue de Lille. Quelques instants plus tard, il abat de cinq coups de revolver le secrétaire de légation Ernst vom Rath, 29 ans, qui meurt le surlendemain. Dans la nuit du 9 au 10 novembre, en Allemagne, l’attentat va servir de prétexte au déclenchement d’arrestations de Juifs par milliers, d’incendies de synagogues, de pillages de magasins dont les vitrines brisées laisseront le nom de «Nuit de cristal» au pogrom géant.
Corinne Chaponnière a écumé les archives à travers l'Europe pour tenter de lever l'énigme sur les mobiles du jeune assassin, demeurés aussi troubles que l'épisode est resté célèbre. Ici, un solide récit en quatre actes. Etait-ce, cause couramment admise, un coup d'éclat pour alerter l'opinion mondiale sur le sort réservé aux Juifs par les nazis ? La famille de Grynszpan venait d'être chassée d'Allemagne vers une zone frontière polonaise. Le garçon l'apprend par une carte postale, achète une arme dans le Xe arrondissement où un oncle tailleur le recueille depuis deux ans, prend le métro jusqu'à Solférino, débarque rue de Lille et, affaire faite, se laisse arrêter et passe aux aveux (il sera extradé à l'été 1940 en Allemagne où il disparaîtra en 1945). Etait-ce le coup d'envoi d'un plan fomenté par la «juiverie internationale» pour précipiter le monde dans la guerre contre l'Allemagne nazie - thèse orchestrée par Goebbels ? S'agissait-il d'un coup de tête lié à une relation homosexuelle - forcée, consentie, tarifée ? - avec Vom Rath ? Grynszpan fréquentait les dancings homos de la capitale et Vom Rath aurait été précédé d'une réputation d'«ambassadrice». Enfin, l'hypothèse paranoïaque d'un coup monté, d'une provocation organisée par des agents nazis est-elle plausible ? On a beau savoir qu'on restera sur sa faim, on guette jusqu'au bout la clé du mystère.