Dans l’agitation générale, alors que les politiques semblent brasser de l’air, démunis, le livre de Christiane Taubira est une respiration. Calmement, clairement, simplement, mais avec une force qui n’en est pas moins grande, l’ancienne ministre de la Justice met des mots sur un besoin qui semble avoir été oublié dans la précipitation : pour agir, il faudrait déjà comprendre. Et il y en a, des choses à comprendre. Tout cela demande du temps, un temps que personne jusqu’alors n’avait paru disposé à prendre. Qu’à cela ne tienne, Taubira s’y colle.
Avec poésie, pédagogie, intelligence, elle replonge dans l’histoire, car c’est en regardant derrière son épaule que l’on peut se souvenir de ce qu’est la France malgré tout ce qu’on a voulu lui faire : un Etat, une République, mais avant tout une nation, une nation avec ses valeurs de solidarité, d’égalité et de laïcité - valeurs essentielles qui, pourtant, ont comme déserté l’espace public. A tel point que l’on reparle de la peine de mort, que l’on évoque la déchéance de nationalité. Alors même qu’il faudrait, plus que jamais, garder en tête ces principes que nous avons brandis comme autant d’étendards, après les attentats de janvier et de novembre 2015. Rien ne justifie que l’on renie ce qui fait la France ; n’est-ce pas justement ce que cherchent à faire ceux qui se prétendent d’un «Etat» islamique ?
La France est multiple, c’est ce qui la rend belle, belle comme le monde. C’est ce que la ministre, de son style puissant, exhorte à ne pas perdre de vue. A la jeunesse peut-être, puisque c’est à elle que s’adresse Taubira dans son livre, de s’atteler à lui rendre toute sa splendeur, pour s’emparer de l’avenir qu’elle mérite. Mais à tout le monde aussi de défendre ces valeurs. Pour cela, nous avons toutes les armes en main : Voltaire, Nina Simone et tant d’autres que Taubira cite et qui ne devraient jamais nous quitter.