Menu
Libération
Roman

«Le Cas Annunziato», prison avec vues

En visite dans un musée florentin, un homme se retrouve enfermé dans la cellule d’un célèbre moine peintre. Un premier roman drôle et séduisant de Yan Gauchard.
publié le 17 février 2016 à 17h11

Se retrouver enfermé, ce n'est jamais très drôle. Au début, on peut réagir avec amusement, patience et pourquoi pas détachement. Mais au bout d'un moment, l'ennui et la peur arrivent. Quand, ce jour de mars 2002, Fabrizio Annunziato, traducteur italien vivant à Paris, se retrouve séquestré par mégarde à cause d'une gardienne, pas très professionnelle du coup, dans une cellule du Museo nazionale di San Marco, à Florence, cela ne le dérange pas. D'abord, la pièce est un «ancien appartement du moine Fra Giovanni [Fra Angelico, ndlr], décorée d'une modeste Complainte au Christ sur la croix, mais nantie d'une lucarne». Il y a pire comme endroit pour êtreseul. Surtout, l'espace monacal donne au héros le temps de penser, de réfléchir. Il avance sur un manuscrit, réfléchit beaucoup, en profite pour regarder par la lucarne s'il peut apercevoir la jolie serveuse de la trattoria en face. «Excepté la privation alimentaire, ce serait le paradis.» Il y a la question des besoins pressants, mais là aussi l'homme s'en accommode. Il passe ainsi une dizaine de jours avec comme seule compagnie ses effets personnels (notamment un téléphone portable dont la batterie tombe vite en panne) et un tableau de Fra Angelico.

Le Cas Annunziato, premier roman de Yan Gauchard, journaliste à Presse Océan, séduit par sa façon de prendre le réel et de le tordre, voire de lui offrir une porte de sortie. Et tant pis si celle-ci donne sur une pièce fermée. Comme le Baron perché d'Italo Calvino dans son arbre, Fabrizio Annunziato n'a pas tellement envie de quitter sa cellule. Après sa délivrance, il ira en garde à vue, puis demandera à retourner au musée. Il faut dire qu'ailleurs, rien n'est très réjouissant : «La situation à l'extérieur, le retour du Cavaliere aux affaires du pays», les policiers qui exhument des histoires des Brigades rouges, les éditeurs qui ne veulent traduire que des best-sellers… A quoi bon vivre libre dans un «dehors» qui ne l'est pas, surtout quand on peut être heureux enfermé ? La séduction du Cas Annunziato tient à l'écriture de Yan Gauchard, très drôle, à notre impression de lire la déposition d'un compagnon de cellule de Fabrizio. Il y a également un aspect loufoque : le président- administrateur du musée s'appelle Pietro Gassman, une des gardiennes, Antonia Loren, comme Vittorio et Sophia. Il faut dire qu'on est en Italie, ce pays où l'absurde, en plus d'être réel, est toujours fait de belles choses.