Après Romanzo criminale, le magistrat et auteur de polar Giancarlo De Cataldo poursuit son exploration de la face noire de la ville éternelle, bien loin de la Rome de la «dolce vita». Ici, il s'agit de «la bruta vita», une vie romaine mauvaise teintée de sang, empuantie par la corruption et les connivences entre truands, hommes politiques et journalistes peu scrupuleux.
Suburra, coécrit avec le journaliste Carlo Bonini, met en scène le Samouraï, dernier rescapé de la bande de Magliana, qui régna sans partage sur Rome des années 70 jusqu'au milieu des années 90. L'intrigue se noue autour d'un projet immobilier béni par le Vatican, et plus particulièrement sa banque, où transitera l'argent sale destiné au financement. Mais la mort d'une petite frappe, soldat de la pègre sans importance, relance une guerre entre les différents clans qui se partagent la ville, au risque de faire capoter le projet. Pour que les affaires se fassent, il faut de l'ordre - et les voyous aiment l'ordre. Monseigneur homosexuel, député de droite priapique et cocaïnomane peuplent le tableau de cette «Roma» quasi fellinienne. Mais surtout, les auteurs dénouent les liens troubles tissés durant les années de plomb entre les petits malfrats et les organisations néofascistes.
Ce qui se dessine au fil des pages est une sorte d'éthique du truand. Une morale qui repose sur la loi du plus fort et bafoue les conventions en vigueur. Une éthique d'inspiration clairement fasciste. «Ce qui est un crime pour le bourgeois peut être, pour le guerrier, le geste parfait que ne tolèrent ni les minables pleurnicheries du faible ni l'âcre censure d'une justice ramollie», explique ainsi le Samouraï à ses troupes.
Giancarlo De Cataldo a déclaré à plusieurs reprises avoir regardé de près le travail mené par James Ellroy sur la ville de Los Angeles pour tenter le même sur la capitale italienne. En tout cas, avec ce deuxième volet, il maintient le souffle rapide, sec, qu'il avait déployé dans Romanzo criminale.