Avant d'écrire régulièrement dans Libération, à partir de 1978, Guy Hocquenghem s'y fait remarquer deux ans auparavant, par un article sur l'assassinat de Pasolini. Intitulé «Tout le monde ne peut pas mourir dans son lit», le texte se réfère à une libido homosexuelle tournée vers les bas-fonds. «Pasolini ne serait pas mort s'il n'avait couché qu'avec ses acteurs», écrit Hocquenghem. «Voilà ce qui échappe à ceux qui veulent sincèrement "décriminaliser" l'homosexualité, la défendre contre elle-même en coupant ses liens avec un monde dur, violent, marginal.»
Agressif sans chercher à être drôle, celui qui est bientôt préposé à la critique du petit écran s'en prend aux valeurs consacrées de l'audiovisuel public. Il est particulièrement féroce à l'égard de Daniel Karlin, «Karlin et sa voix qui dégouline de tiède complicité avec le spectateur». Il s'agit d'un documentaire sur l'immigration, ou «comment le malheur des hommes fait de la bonne pâtée pour chiens de télévision» (novembre 1978). Le même sort est plus ou moins réservé à Pascale Breugnot et aux émissions où «les parents, et pas mal d'enfants, ont l'air, toutes classes sociales confondues, d'être rompu à l'exercice qui consiste à cerner les problèmes, parlent de "communication" et d'autonomie avec un impayable sérieux de techniciens de leurs propres relations familiales».
Il arrive que des personnages échappent aux coups de griffe, et pas seulement Copi ou Fassbinder. Une agricultrice, trois prostituées qui s'expriment contre la réouverture des maisons closes, une femme battue, émeuvent le chroniqueur. D'autre part, celui-ci sort de chez lui, afin de rendre compte d'un procès intenté à Libération pour incitation à la débauche, via les petites annonces, ou pour enquêter sur la Nouvelle Droite d'Alain de Benoist. «Jusqu'à présent je me suis contenté d'indiquer par où la Nouvelle Droite était forte. Il est temps de marquer clairement ses limites, le moment précis où sa critique de l'anti-scientifisme humanitaire se transforme en fascisme idéologique.»
Il décrit la bataille du forum des Halles, entre Jacques Chirac, maire de Paris et Giscard d'Estaing. Il suit la marche gay de 1979 à Washington, où il croise «beaucoup d'anciens activistes des années 60, reconvertis dans le gay militantisme. Kate Millett, avec qui je bavarde un instant […].» Il drague à Manhattan, et c'est saisissant. Décrit la dispersion d'une collection particulière, et c'est instructif : «Roger Peyrefitte vend ses vieux godemichés». Provocations et ricanements, y compris à l'adresse de collègues de bureau, se laissent oublier au profit du magistral compte rendu de l'exposition Pollock à Beaubourg en 1982.
Ensuite, toujours méchant, Hocquenghem écrit dans Gai Pied Hebdo, le Figaro magazine. Dans Masques : «Où en est l'homosexualité en 85 ? Si c'est rayon chemises, voyez Jean Paul Gaultier, littérature cucul, Pasolinis en tout genre, voyez Masques; usages et profiteroles, voyez Renaud Camus ; petite musique et flou artistique, voyez Hervé Guibert. […] Le tout de ce petit monde homosexuel se resserre, se contracte en contrats et en ascenseurs. Ce n'est d'ailleurs absolument pas grave ; il faut bien que chacun gagne sa vie, on ne peut pas être militant éternellement, comme disent ceux qui ne l'ont jamais été.»