La Paranoïa, de Luigi Zoja, Traduit de l’italien par Marc Lesage.
Les Belles Lettres, 540 pp., 25,90€
Etre parano : tout le monde sait ce que c'est, tout le monde a des ennemis. Mais la somme que lui consacre le psychanalyste italien Luigi Zoja (très populaire dans son pays) dépasse les délires de l'individu pour s'intéresser aux logiques absurdes qui fondent les pires décisions historiques. Le sous-titre dit tout : «La folie qui fait l'histoire». Cette extraordinaire fresque se penche sur les cas de Hitler, Staline ou Pol Pot, sur les décisions qui ont marqué la colonisation, sur les exactions des conquistadores, aussi bien que sur les dérives nationalistes ou populistes. «Ennemis intérieurs» inventés de toutes pièces, théories du complot : la paranoïa est une folie très actuelle.
Lettres 1966-1989, de Samuel Beckett.
Gallimard, 950 pp., 58€
L'auteur d'En attendant Godot reçoit le prix Nobel de littérature en 1969. Il s'en serait volontiers passé, car ce cataclysme l'éloigne de son oeuvre et du silence qu'elle requiert, mais il n'a rien pu faire pour ne pas l'obtenir. Le seul avantage qu'il en retire est de pouvoir distribuer son argent à qui en manque. Il s'agit du quatrième et dernier volume de sa Correspondance, entreprise passionnante et brillamment conduite par les éditeurs qui s'y sont attelés. Elle est censée ne concerner que le travail de l'écrivain, mais le travail se confond avec sa vie. A une femme aimée : «Ne me demande pas de déverrouiller mon cœur. Une vilaine matière noire en sortirait.»
Power Play, de Mike Nicol. Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Jean Esch.
Le Seuil, 384 pp., 22€
L'Afrique du Sud, sa société corrompue du haut en bas de l'échelle sociale, police comprise, ses ghettos, sa criminalité accrue. Comment les auteurs de polar ne s'empareraient-ils pas de cette situation ? Power Play («le jeu pour le pouvoir»), sixième roman policier de Mike Nicol, né en 1951, se laisser dévorer avant de vous glacer d'effroi. C'est une histoire de règlements de comptes entre gangs, de familles rivales, un rodéo urbain qui enchaîne les violences sanglantes pour mieux décrire le cynisme et la cupidité des puissants.
Les Jours de Vita Gallitelli, de Helene Stapinski. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Szczeciner.
Globe, 336 pp., 22€
L'arrière-grand-mère de l'auteure, journaliste et romancière, a tué quelqu'un en 1872, en Italie du sud. Puis, vingt ans plus tard, elle a émigré, seule, aux Etats-Unis. Sans en faire un drame, Helene Stapinski enquête sur ce passé un peu lourd, qui la mène sur la terre de son aïeule, entre les Pouilles et la Calabre. Elle s'intéresse aux mentalités du XIXe, à la vie quotidienne dans ces régions très pauvres, et, finalement, se retrouve à déguster énormément de plats de pâtes, plus appétissants les uns ques les autres. La famille de Coppola était originaire du même village que Vita la meurtrière.
Moins qu'hier (plus que demain), de Fabcaro.
Glénat, 64 pp., 12,75€
Saynètes de la vie conjugale dessinées par Fabcaro, non sans pessimisme pour le genre humain. Enfin, plutôt pour le genre masculin. En trois cases ou en six, les personnages ne bougent à peu près pas. L'action est dans les dialogues. Agathe et Bernard, Flore et Jérémy se mentent, se roulent dans la farine plus que dans le stupre, se trompent, s'égarent. Et il peut toujours attendre qu'elle revienne avec les croissants. C'est drôle, fin : il n'y a pas que Zaï, Zaï, Zaï, Zaï dans la vie.