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Libération
Critique

Delarue, gloire au débotté

Sans voyeurisme, Vincent Meslet retrace l’ascension fulgurante de l’animateur et producteur à Canal + et sur le service public, jusqu’à son déclin télévisuel et sa mort à 48 ans.
Jean-Luc Delarue, en 2011 à Paris. (Photo Martin Bureau. AFP)
publié le 26 septembre 2018 à 18h26

La biographie d'une star de la télé des années 90, ex-animateur de Ç a se discute ? Voici un livre qu'on ouvre avec scepticisme mais qu'on referme avec le sentiment de l'évidence. Il fallait raconter le parcours hors-norme de Jean-Luc Delarue, sorte de «Barry Lyndon» (l'un de ses films préférés) des médias, qui a connu une gloire étincelante et une déchéance pathétique. Ex-directeur d'Arte et de France 2, Vincent Meslet, qui a travaillé avec Delarue, le fait avec beaucoup d'empathie, et la délicatesse de ne jamais tomber dans le voyeurisme sordide.

Jeune premier au QI de surdoué, révélé sur Canal +, l’importateur en France de la télévision dite «testimoniale» prend la prestigieuse matinale d’Europe 1 à 28 ans. Dans la foulée, il touche le jackpot en signant un gigantesque contrat de production avec France Télévisions sous la présidence de Jean-Pierre Elkabbach. La vedette, à la puissance de travail exceptionnelle, n’a pas encore 30 ans, et pas eu le temps de s’accomplir en tant qu’homme, qu’elle est déjà au sommet de sa carrière. Trop vite, trop tôt, trop fort. Tous les complexes de ce garçon immature, notamment celui de ne pas être l’intellectuel dont aurait rêvé sa mère, rejaillissent avec la démesure de son caractère impétueux.

Delarue soigne ses angoisses par l'alcool, la drogue et l'argent. Jusqu'à perdre le contact avec le public et être viré de France Télévisions à cause de ses addictions. Une mort télévisuelle préfigurant son décès précoce, à l'âge de 48 ans. Trop vite, trop tôt. «Jean-Luc, écrit Vincent Meslet, est le double miroir de la télévision : de ce qu'elle a de plus merveilleux et de plus redoutable. […] Ce qui a tué Jean-Luc est ce qui tue la télévision, l'inconséquence, la perte de toute logique, le sacrifice du génie artistique sur l'autel de l'ambition et de la puissance.»