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Libération

Malle d’amours

Secrets et bouteille à la mer par Baptiste Beaulieu
publié le 16 novembre 2018 à 20h46

Le grand-père de Baptiste Beaulieu, à sa mort, laissait des carnets où on a découvert qu'il avait eu une grande histoire d'amour tragique avec une Allemande. Il s'agissait de lettres à l'enfant qu'ils ont eu ensemble, Anne-Lise Schmidt, dont Moïse a perdu la trace. La mère disparue, il avait dû confier la petite à sa famille allemande, d'une autre classe que la sienne. L'existence des carnets ainsi que celle d'Anne-Lise Schmidt semblent avérées : l'indication fournie par l'éditeur figure sur un rabat de la jaquette du livre de Baptiste Beaulieu, Toutes les histoires d'amour du monde. Il l'aurait écrit pour retrouver cette femme qui aura 75 ans en 2019 ; il jette sa bouteille à la mer à la fin : «Si vous avez la moindre information ou piste pour m'aider à retrouver Anne-Lise Schmidt ou sa famille, à Cologne ou aux Etats-Unis, écrivez-moi s'il vous plaît : A l'attention de Baptiste Beaulieu Editions Mazarine», etc.

1- Comment s’explique le titre ?

Le roman alterne les lettres écrites par Moïse chaque année tout au long de sa vie, et l’enquête menée de nos jours par le petit-fils, prénommé Jean (une histoire en soi que ce prénom), à l’intention de son propre père. Les deux hommes sont en froid depuis six mois, depuis l’enterrement de Moïse, jour où Jean a annoncé qu’il était gay. Là-dessus, le père a trouvé les carnets de Moïse, découvert qu’il avait une demi-sœur et que la photo où on le voit avec ses parents avant l’accident qui le scalpe à l’âge de 11 ans, eh bien cette photo contient un mystère. Résumons : il y a l’amour de Moïse pour sa fille cachée, et celui pour son fils qu’il n’a pas su montrer, l’amour de Jean pour les garçons, et le lien qu’il voudrait rétablir entre son père et lui. Le père, que tout cela rend malade, finit par l’être sérieusement, aussi Jean lui raconte-t-il des histoires, des histoires d’amour glanées au fil de recherches qu’il enjolive. Et comme il aime son fils, le père fait semblant de les croire. Baptiste Beaulieu est un faux naïf. Il veut que le lecteur, dans un premier temps, le trouve manichéen, et le détrompe (un peu) ensuite.

2- Moïse écrit-il bien ?

Jean explique qu'il a rewrité les récits de Moïse. Au vu d'une page manuscrite fournie par l'attachée de presse, Marie Lafitte, il a été facile de vérifier que le texte imprimé s'en inspirait sans la recopier totalement. Toujours est-il que le travail est bien fait, on s'intéresse à Moïse orphelin de père, Moïse prisonnier de guerre à Cologne, Moïse divorcé. Il y a de ces expressions dites populaires qu'on recaserait volontiers dans la conversation : «Il donnait toujours l'impression de s'être rasé avec une biscotte.» Ou : «Il n'avait pas toutes les frites dans le même cornet, si tu vois ce que je veux dire.» On ne voit pas bien, mais c'est amusant.

3- Qui sont les amis de Beaulieu ?

Né en 1985, médecin, fameux pour son blog, militant de la cause LGBT, chroniqueur dans Grand bien vous fasse d'Ali Rebeihi sur France Inter, Baptiste Beaulieu remercie Virginie Grimaldi, Tatiana de Rosnay et Agnès Ledig, une sorte de club d'auteurs de best-sellers. Mais il remercie aussi Martin Winckler, écrivain de plus grande envergure, lui aussi médecin, «pour ses précieux conseils». Visiblement, il les a suivis, même s'il n'a pas la puissance de l'auteur de la Maladie de Sachs.