Romans
Olivier Liron Einstein, le sexe et moi
«J'ai dû entendre dix mille fois les gens m'appeler gogol. A l'école et surtout au collège, les enfants différents souffrent le martyre. C'est déjà le pouvoir hideux et haineux de la norme.» Olivier Liron est autiste Asperger. Pendant une conversation téléphonique il ne sait pas quand c'est à son tour de parler, il a du mal à comprendre le sarcasme et l'ironie et, pour s'endormir, il calcule 247 856 fois 91. L'auteur jouit d'une mémoire infaillible mais trop de souvenirs écœurants y pullulent. Pour oublier, il accumule données et informations puis s'installe dans sa «forteresse de solitude» structurée par sa haine. En 2012, Olivier Liron participe à Questions pour un superchampion, sa différence se mue en avantage… Ce roman aux allures de plaidoyer pour ceux qui ne sont pas dans le «moule» ne se limite pas à cette opposition, le réel combat de l'auteur semble être d'abord contre lui-même. Nabil Merad
Luc Chomarat Un petit chef-d'œuvre de littérature
Un livre de Luc Chomarat ne ressemble jamais à aucun autre, on y trouve toujours ce côté décalé, pince-sans-rire, qui fait osciller le lecteur entre curiosité, incrédulité et éclat de rire. Après le Polar de l'été, qui n'avait rien d'un polar, qui était juste l'histoire d'un homme se rêvant écrivain, Luc Chomarat revient avec Un petit chef-d'œuvre de littérature. Voilà, elle est là l'histoire : on est forcé de parler du livre comme d'«un petit chef-d'œuvre de littérature», le but de Chomarat est atteint, jouer avec les mots et les conventions. Qu'est-ce qu'un chef-d'œuvre de littérature ? Un livre dont on parle dans les dîners en ville et sur les plateaux télé, dont l'auteur est connu, dont le sujet est d'actualité, dont les ventes explosent ? «Lorsqu'il se retrouva dans les librairies, la presse fut unanime : Un petit chef-d'œuvre de littérature (Elle). Un petit chef-d'œuvre de littérature (Le Figaro). Un petit chef-d'œuvre de littérature (Le Monde des Livres). Avec un titre pareil, c'était difficile d'en dire du mal. Ou alors il ne fallait pas dire le titre. Mais alors on ne savait pas que c'était de lui qu'on disait du mal.» Il y a du Raymond Devos dans cet auteur et, sur ce coup-là, on ne joue pas sur les mots. A.S.
Essais
Jean-François Marmion (sous la direction de) Psychologie de la connerie
La connerie a les frontières du plus étendu des empires, mais elles sont, par cela même, très perméables et floues. Aussi suffit-il de changer l'adjectif pour passer d'un pays à l'autre : une grosse connerie est d'une région riche, car elle peut coûter cher, quand une petite connerie est plutôt villageoise, sinon familiale, et se paie d'une excuse… Toujours est-il qu'elle est comme le bon sens dont parlait Descartes : la chose la mieux partagée. Elle est liée à quoi, à la bêtise, à l'arrogance, à l'ignorance ignorante d'elle-même, à l'absence de doute, à l'imbécillité heureuse, à la crédulité, à une maladie sans symptôme ? On la critique (toujours chez les autres), on la pourfend, mais est-il possible, sans que cela passe pour une connerie, de l'étudier scientifiquement, de mobiliser psychologues, philosophes, écrivains, sociologues et anthropologues pour en rendre raison ? C'est le propos de cet ouvrage collectif, qui, certes, est plein d'humour, et qui est signé, entre autres - excusez du peu - par Antonio Damasio, Boris Cyrulnik, Delphine Oudiette, Howard Gardner, Jean-Claude Carrière, Brigitte Axelrad, Alison Gopnik, Edgar Morin, Tobie Nathan… R.M.
Laurent Lemire La chance de A à Z
Quand c'est «la faute à pas de chance», il y a des chances pour que ce soit la faute, sinon à quelqu'un, du moins à quelque chose. Mais ce quelque chose (disons : le croisement inopiné de deux séries causales indépendantes !) est le plus souvent caché, oblitéré ou nié, sinon conçu comme une divinité aveugle qui n'en fait qu'à sa tête, malgré tous les doigts qu'on a croisés et les trèfles à quatre feuilles qu'on a trouvés (ou pas). Mais c'est quoi, la chance, «à quand remonte-t-elle ? Pourquoi devient-elle obsessionnelle pour certains ? Comment l'ont appréhendée les philosophes, les savants, les poètes et les joueurs» ? Comme l'écrivait Kierkegaard : «Tentez votre chance et vous risquez de perdre. Ne tentez pas votre chance, et vous avez déjà perdu.» R.M