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Libération
Critique

Police à tous les étages

Les prédateurs perdent la Manche avec Paul Merault
publié le 4 janvier 2019 à 17h08

Interrogez des spécialistes : personne n'a jamais entendu parler de Paul Merault, l'auteur qui s'affiche pourtant en deuxième place des meilleures ventes de «Polars et SF» recensées par Datalib. Son premier roman, le Cercle des impunis, est pris en sandwich entre la Vérité sur l'affaire Harry Quebert et Aux animaux la guerre, le roman noir de Nicolas Mathieu qui a précédé son prix Goncourt pour Leurs Enfants après eux. Paru en novembre 2018 chez Fayard, directement en format de poche, le Cercle des impunis, qui plus est, arbore le bandeau «Prix du Quai des Orfèvres 2019», l'année à peine commencée.

Pourquoi les éditions Fayard sont-elles les uniques détentrices de ce prix ? Inutile d'aller chercher un quelconque favoritisme. C'est dans les statuts. Le prix du Quai des Orfèvres - qu'un déménagement ne fera pas changer de nom - est remis à un manuscrit de roman policier inédit par un jury de flics, de magistrats, de gens qui connaissent la boutique. «Le montant du prix est de 777 euros, remis à l'auteur le jour de la proclamation du résultat par M. le Préfet de police. Le manuscrit retenu est publié, dans l'année, par les éditions Fayard, le contrat d'auteur garantissant un tirage minimal de 50 000 exemplaires.» Par les temps qui courent, un tel tirage est miraculeux.

L’auteur est-il de la police ?

Paul Merault (dixit Wikipédia), né en 1961, est un officier de police, commandant divisionnaire à Toulouse. L'éditeur ajoute : «Spécialiste des quartiers sensibles et des situations extrêmes, Paul Merault sait d'expérience que le crime n'a pas de patrie et n'épargne aucun milieu. Ses fictions dépassent la raison, mais reflètent les sombres réalités des prédateurs d'aujourd'hui.» Parler de ses fictions au pluriel est pour l'instant exagéré, mais les prédateurs sont bien présents dans son premier roman.

Qui sont les victimes ?

Elles sont de la police. Du moins les deux premières. Il s’agit d’un flic de Londres, retrouvé mort dans la rue avec une balle dans la nuque et un fœtus dans le ventre. Ce n’est pas la seule vision horrifique de cette histoire, qui compte une tête coupée et des poignets tranchés - automutilation d’un psychopathe soupçonné par le Superintendent Perkins, responsable de l’enquête Outre-Manche. La deuxième victime est marseillaise, un commissaire suspendu la tête en bas, saigné à blanc.

Les deux cadavres ont le même tatouage bizarre sur la langue, d’où une collaboration franco-anglaise sur ces affaires. L’adjointe de Perkins s’en va faire équipe sur la Canebière avec le commissaire Caradec, tout juste débarqué de Paris.

A quoi mène la transmission ?

Les flics de Paul Merault ont des méthodes classiques, œuvrent dans les règles, et prennent leur rôle avec philosophie, non sans mélancolie. Ils ont des valeurs, n'en ont pas honte. Aider les familles à «faire le deuil», par exemple, est une expression qui revient souvent. Les chefs ont à cœur de transmettre leur expérience aux cadets - ce sens de la transmission s'inverse, chez les pervers, en vice. On apprend deux ou trois choses sur la différence d'un pays à l'autre. L'omniprésence des caméras de surveillance dans la capitale anglaise a son utilité. Quant au flic français, son rêve relève de l'intelligence artificielle : «Pourrait-on capturer un jour le reflet du tueur dans les yeux de sa victime ?»