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Libération
Critique

Eloquence de la plume face au deuil

Dans son essai, Myriam Watthee-Delmotte étudie l’impact cathartique des éloges funèbres et des tombeaux littéraires.
publié le 9 janvier 2019 à 17h16

La littérature peut-elle «relancer dans la vie les endeuillés», faire en sorte qu'après la mort d'un époux ou d'un enfant, «la vie rentre dans les plis» ? Myriam Watthee-Delmotte le pense. Cette professeure à l'université de Louvain, spécialiste de littérature française (1), consacre un essai aux formes et aux pouvoirs des discours sur la mort, qu'elle sélectionne en suivant ses goûts, dans un souci de diversité plus que d'exhaustivité. Elle cite des exemples de tombeaux littéraires, un genre qui naît au XVIe siècle en même temps que se développent les tombes individuelles. Ces textes normés honorent des êtres exemplaires faisant l'objet d'une «adhésion collective». Trois siècles plus tard, sous la plume de Stéphane Mallarmé, les tombeaux célèbrent au contraire des marginaux, ces écrivains maudits que sont Edgar Poe, Baudelaire et Verlaine. L'auteure examine l'éloge funèbre d'Emile Zola rédigé par Anatole France, qui fut son ami et son soutien inconditionnel durant l'affaire Dreyfus. Henri Michaux, lui, avait pour ami Paul Celan, et pour aimée Marie-Louise. A sa mort, en 1948, il rédige un poème intitulé «Nous deux encore». Il en interdit la publication de son vivant puis, en 1959, autorise Paul Celan à en publier une traduction allemande en tirage limité. Mais il lui précise dans une lettre : «S'il est une langue qui puisse garder la discrétion de l'intime, c'est la vôtre», si bien que Celan abandonne son projet. Le texte est aujourd'hui disponible dans l'édition des Poésies complètes de la Pléiade.

(1) Auteure d'Henry Bauchau. Sous l'éclat de la Sibylle, Actes Sud, 2013.