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Libération
Critique

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publié le 18 janvier 2019 à 17h46

Romans

Erwan Desplanques L'Amérique derrière moi

Certains parents sont si terribles qu'il faut à leur enfant un casque de chantier pour supporter les repas en leur compagnie et s'abstraire des insultes qui fusent. Erwan Desplanques dresse le portrait de sa famille dans l'Amérique derrière moi. Le point de départ est l'annonce par son père du cancer du poumon très avancé dont il est atteint. Il a 70 ans. La mère ouvre une bouteille de champagne pour célébrer la mauvaise nouvelle. Depuis qu'il s'est remarié après avoir divorcé, le couple s'aime à la folie. Sa fantaisie apparaît progressivement au lecteur, qui pense d'abord que cet assureur rémois et cette enseignante ne sont qu'un bloc de classicisme. Erreur : passionné par les Etats-Unis et la guerre, le père habille tout le monde au surplus et choisit comme fille au pair pour ses enfants «un ancien soldat qui avait mené des missions d'espionnage à haut risque dans le Nord Vietnam à bord d'un U-2 avant de s'établir à Reims». Son épouse ment très souvent. Dans ce récit tendre et plein d'esprit, on trouve aussi des pages très fines sur la génération des baby-boomers. V.B.-L.

Carys Davies West

A 10 ans, Bess voit partir à cheval son père éleveur de mulets, John Cyrus Bellman : «A ses yeux, il avait l'air majestueux, déterminé et courageux.» Le fermier quitte la Pennsylvanie après la lecture d'un article sur la découverte dans la boue du Kentucky d'omoplates d'un mètre de large et de prodigieuses défenses, bref, des restes d'«une créature totalement inconnue». Hanté par la pensée de l'existence de ces animaux gigantesques, Bellman a décidé de confier sa fille à sa sœur et de parcourir des milliers de kilomètres vers les étendues sauvages de l'Ouest, largement méconnues dans ce XIXe siècle. Tandis que Bellman poursuit sa quête chimérique en compagnie d'un éclaireur indien, sa fille se trouve exposée aux convoitises des plus vils prédateurs, bien réels ceux-ci. Premier roman aux allures de conte grinçant sur une époque de légende. F. Rl

Philosophie

Marc Crépon Inhumaines conditions

L'ouvrage, qui évoque en ses premières pages deux films des frères Dardenne, Rosetta et Deux Jours, une nuit, pose une question qui semble naître de l'actualité politique : «Comment expliquer qu'à un moment nous ne supportons plus ce qui nous paraissait acceptable peu de temps auparavant ?» Cette «insupportabilité» est souvent la source d'où jaillit la violence, mais aussi l'insupportabilité de la violence, sur laquelle Marc Crépon, directeur du département de philosophie de l'ENS, ne cesse de réfléchir, qu'elle se manifeste dans l'Etat, le monde du travail, de la justice, dans la société, dans les relations privées, dans le rapport aux animaux ou la nature. Au-delà de quel seuil la violence n'est plus tolérable ? Lorsqu'elle est en acte, que détruit-elle, sinon la «confiance», qui donne la possibilité «de se fier les uns autres» ? Comment la justifier, autrement que par «malignité» et «absurdité», si elle rend le monde humain inhabitable et l'humain inhumain ? R.M.