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Pourquoi ça marche

Les monstres de la Ve

Pourquoi ça marche ?dossier
Souvenirs politiques de Catherine Nay
publié le 29 novembre 2019 à 17h31

Que sait-on de Catherine Nay, voix d'Europe 1 et de la politique depuis longtemps, ou depuis toujours, selon l'âge qu'on a ? Dans ses mémoires, on n'apprend pas grand-chose sur elle. Ça ne l'intéresse pas - et peut-être nous non plus. Journaliste depuis 1967, ayant commencé à l'Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber («JJSS»), à l'école de Françoise Giroud, Catherine Nay préfère parler des hommes qui nous gouvernent, et des femmes s'il s'en trouve. Chargée de couvrir la droite, son amie Michèle Cotta s'occupant de la gauche, c'est dans les portraits des barons gaullistes, puis des successeurs de De Gaulle - le livre s'arrête en 1995 sur l'élection de Jacques Chirac - qu'elle excelle. Les anecdotes ne manquent pas, les mots d'esprit fusent, et les vacheries. Il est question de séduction et de sexe. Mais l'auteure ne s'attarde pas sur ces détails qu'on disait naguère croustillants. L'état-major la passionne, les manœuvres électorales et politiciennes des «grands monstres sacrés» aujourd'hui disparus.

1- En mai, fait-elle ce qui lui plaît ?

Parce qu'elle est très grande, son patron à l'Express, Claude Imbert, qui l'appelle «ma petite fille», conseille à Catherine Nay d'éviter le Quartier latin, «vous risquez de recevoir un pavé sur la tête». Conseil inutile, elle ne va pas courir les manifestations. «J'ai détesté Mai 68», écrit-elle par deux fois, la deuxième précisant : «Parce que j'étais folle amoureuse d'Albin Chalandon.» Pas facile d'aller aux rendez-vous par ces temps de grèves et de barricades. En vérité, elle déteste surtout Cohn-Bendit, «une vraie tête à claques». Catherine Nay est issue d'une famille bourgeoise de Périgueux, de parents «ouverts et tolérants». Née en 1943, elle évoque l'atmosphère de son enfance. «Tous ces mots anxiogènes : chômage, insécurité, immigration[…] ne faisaient pas partie de notre vocabulaire.» Mitterrand l'intrigue au point de lui consacrer une biographie, mais en général, elle n'aime pas les socialistes («la gauche, qui raffole des vacances»). Elle hait Valéry Giscard d'Estaing («trop d'hypocrisie, de méchanceté, de mesquinerie»), c'est à se demander si ce n'est pas à cause de ses idées : «Le libéralisme avancé n'était-il pas plutôt un socialisme déguisé ?»

2- Qui en sort grandi ?

Marie-France Garaud est un second rôle épatant, Jacques Chirac est à son avantage, ce n'est pas difficile. C'est la simplicité, le naturel et la solidité de Georges Pompidou qui impressionnent, même si c'est sous son mandat «qu'a commencé la dérive monarchique du pouvoir». Catherine Nay l'admire, «de toute ma vie de journaliste, je n'ai jamais rencontré d'équivalent».

3- Faut-il coucher ?

Bien sûr que non. JJSS, et non Giroud, qui redoutait les rivales, avait eu l'idée de mettre des femmes au service politique, «il jugeait qu'elles étaient plus subtiles que les hommes pour saisir et expliquer les comportements, les ressorts humains». Citons aussi : «Les lecteurs pourront s'étonner que dans le livre je fasse parfois allusion aux confidences de certains hommes politiques qui me racontaient volontiers leurs bonnes fortunes féminines. Mais cela allait avec l'air du temps. Je n'en étais pas choquée. Je ne trouvais pas leurs propos déplacés. Je m'en amusais.» Des propositions ? «Ils tentaient leur chance, pourquoi pas», mais «si c'était non, ils passaient leur chemin, sans façons. […] C'était un jeu sans conséquences».